Alain Claude, fromager à la fruitère de Laviron-Surmont

photo_37.jpg

« Pierre qui roule n’amasse pas mousse », déclare Alain, la mine réjouie. Le fromager de la fruitière de Laviron-Surmont est un homme jovial qui, pour rien au monde, ne changerait de métier ou de région.

Alain et Isabelle n’ont pas l’âme de globe-trotters. Lui est fils d’ouvrier de chez Peugeot, elle, fille d’agriculteur, et leur pays, ils y sont attachés. « Dès qu’on ne voit plus la pointe d’un sapin, on a mal au coeur ». Ils ont fait leurs études ensemble à Mamirolle, un BTS IAAB*, suivi pour Alain d’un certificat de spécialisation pâte pressée cuite. Le 1er janvier 2000, le couple posait ses valises à Laviron.

Huit ans plus tard, Alain et Isabelle se plaisent toujours autant dans cette petite fruitière du Haut-Doubs. La façade est modeste ; la dernière coulée date de 1999 mais aujourd’hui l’atelier de fabrication est entièrement rénové, hormis les caves d’affinage, et permet de transformer 3,4 millions de litres de lait par an en Comté, collectés auprès de 19 producteurs de Surmont et Laviron depuis la fusion en 2002. L’affinage est assuré par Rivoire-Jacquemin, Seignemartin et Grillot. « Nous travaillons en couple, précise Isabelle, qui aide à la fabrication et au magasin de vente. Nous adaptons nos horaires en fonction des saisons et des besoins de la vie de famille. Nos 2 enfants apprécient d’être toujours avec nous et le plus jeune ne rate pas un démoulage, trop heureux de chiper une rognure. »

À 36 ans, Alain a le parcours classique d’un fromager de fruitière. Un an comme apprenti à Pierrefontaine-les-Varans, 3 ans à la fromagerie de Frasne comme second fromager, puis un an à celle de Noël-Cerneux, au poste de fromager.

Le déclic, il l’a eu un été de 1992. Alain vient de terminer son bac agricole et il a la possibilité de découvrir le fonctionnement de la fruitière de Loray. « Cette rencontre a changé ma vie. Jean-Marie Boillon, le fromager, a vraiment su transmettre sa passion », se souvient-il avec émotion.

Il n’oublie pas les autres figures qui ont jalonné son parcours : Bernard Girod à Pierrefontaine, pendant son stage BTS et son certificat de spécialisation pâte pressée cuite, Albert Troutet, son premier patron à Frasne, une « personne marquante », et enfin Louis Bourgeois, le technicien du Comité technique du Comté, qui le suit depuis ses débuts, et encore plus ces derniers mois, après les travaux de rénovations, quand il a fallu ajuster la fabrication avec les deux nouvelles cuves de 5 000 litres. Un changement que le fromager ne regrette pas. « Avant nous devions enchaîner six cuves de 2 400 litres, une tous les quarts d’heure, on ne faisait que courir ! »

En 2008, la fruitière a été récompensée par une médaille d’argent au concours général à Paris. Alain espère maintenir encore longtemps ce niveau de qualité et parle d’un travail d’équipe entre producteurs, fromager et affineur. Il n’oublie pas de mentionner son président, Christophe Bouchard.

« Travailler une matière vivante comme le lait, un produit noble comme une AOC, c’est plus qu’un métier, c’est une vocation, un état d’esprit. » Il aime l’odeur de la coulée, « patate chaude et céleri », le grain du caillé, ces gestes répétés. « Ne dites pas “maître fromager” ! Je me sens plutôt comme un artisan, un menuisier qui prend une planche et en fait un meuble. On m’apporte du lait, j’en fais un fromage », confie cet homme qui n’hésite pas à partager sa passion.

Il a participé de 1997 à 2006 au jury terroir du CIGC. « J’ai assisté à la restitution des données à la fromagerie de Frasne où je travaillais à l’époque. Cela m’a motivé pour intégrer un jury Terroir. Je pense que davantage de fromagers devraient y participer pour ouvrir le débat sur le lait d’été et le lait d’hiver, échanger sur les problèmes de fabrication et trouver les liens de causes à effet. Étudier le lien au terroir permet d’englober tous les maillons de la filière ainsi que son environnement. C’est un argument de vente à développer, comme pour le vin », estime le fromager qui a dû arrêter le jury terroir par manque de temps et du fait de l’éloignement. Mais il continue à transmettre ce qu’il a acquis, aux visiteurs de passage qui lui demandent mais surtout au jeune apprenti actuellement en certificat de spécialisation à Laviron. Une passion qu’il espère contagieuse.

* BTS IAAB : brevet de technicien supérieur en industrie agro-alimentaire et biotechnologies.

Actualité suivante

Technique : Origine et diversité des micro-organismes du lait