Famille Berthod : tombés dans le chaudron…

Fromagers en fruitières. Un métier dont les gestes se transmettent de génération en génération. Exemple avec la famille Berthod dans le Jura.

«Ici, c’est le paradis !», a laissé échapper le fromager de Saint-Maurice-Crillat dès son arrivée sur les lieux. La fruitière de Saint-Maurice Crillat, c’est ce petit chalet de fabrication de Comté, entre Clairvaux-les-Lacs et Saint-Laurent-en-Grandvaux, qui transforme 2,75 millions de litres de lait biologique par an.

Didier Berthod, 54 ans, y est entré le 12 août 1983. 30 années de bons et loyaux services qui ont donné lieu, l’année dernière, à une fête organisée par les 9 sociétaires de Saint-Maurice, pour leur fromager ! «Les sociétaires ont toujours cru en leur fromagerie. Et au fil des années, les jeunes agriculteurs ont repris
les exploitations de leurs parents. En 30 ans, je n’ai jamais eu un mot plus haut que l’autre avec aucun d’eux», s’enthousiasme Didier Berthod qui travaille « en confiance », à la parole donnée, au point qu’il n’a jamais signé de contrat de travail. Les décisions importantes pour la fromagerie se prennent en étroite collaboration : le passage au bio en 1997 sur le conseil de l’affineur, ou encore l’installation d’une chaudière à bois pour l’eau chaude nécessaire au chauffage des cuves.

Fromager d’après-guerre

À cette fête qui lui était spécialement dédiée, Didier Berthod a voulu associer son père, Jacques, 80 ans, et son fils, Loïc, 30 ans. Trois générations de fromagers. «Même s’ils n’ont pas exercé à Saint-Maurice, pour moi, cela coulait de source de les mettre aussi à l’honneur», explique Didier.
Jacques Berthod était fils de paysan et comme les débouchés étaient rares après-guerre, il est parti apprendre le métier de fromager. «Les femmes du pays aimaient aussi à trouver un fromager, parce qu’on était logé et rémunéré !», se souvient-il. En 1958, le métier bien en main, il est parti bourlinguer, entre Doubs et Jura. La Châtelaine, Buffard, Chapois, Thésy… L’ancien fromager égrène les noms des fruitières qui l’ont accueilli, avec son épouse Liliane. «C’était un travail en couple comme cela se pratique encore dans plusieurs fromageries à Comté. Le métier était dur à l’époque, avec peu de remplaçants, une présence à la fromagerie matin et soir. Même le dimanche, en jouant aux boules sur la place du village, il n’était pas rare qu’on me demande :  »Eh le fromager, t’aurais pas un morceau de Comté à nous vendre ? » Mais j’aimais ce rythme de travail, nous avions nos après-midi, je partais à la chasse…», se rappelle-t-il.

«Enfant, j’allais voir mon père à la fromagerie»

C’est à Chapois, avec son père, que Didier Berthod a fait sa formation de fromager en apprentissage. Et les choses se répétant, il a, à son tour, enseigné les gestes de la fabrication du Comté à son fils, Loïc. Depuis, Loïc vole de ses propres ailes. Il a passé un Bac Pro et un Certificat de Spécialisation à l’ENIL de Poligny, puis, après 4 années comme second fromager à La Marre, il a été embauché, il y a 5 ans, comme fromager en second à Largillay.
Cela ne lui déplairait pas de prendre la suite de son père, à Saint-Maurice. «Enfant, je jouais ici entre les cuves, je venais manger de la rognure de fromage toute fraîche», lâche le jeune homme, qui, à demi-mot, reconnaît son attachement à la fruitière, même s’il n’avait pas choisi en premier ce métier de fromager. La vocation est venue en faisant ! Contrairement à Didier, son père, qui, déjà tout petit, se rêvait fromager. «Avec mes frères et soeurs, quand il n’y avait pas école, nous allions aider à la fromagerie pour frotter les cuves, chercher du bois…», se rappelle le fromager. Aujourd’hui, ce n’est plus aussi facile pour les enfants de venir à la fromagerie. Les normes sanitaires sont plus strictes, obligeant à enfiler blouses, charlottes et surchausses. Et puis les fromagers et leur famille n’habitent plus toujours à côté de la fromagerie.
Les Berthod feraient-ils partie des derniers des Mohicans ? Espérons que non ! Car à voir la complicité qui lie Jacques, Didier et Loïc, on souhaiterait un même parcours professionnel à beaucoup d’autres jeunes. Un vrai petit coin de paradis, c’est dit.

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