Économie d’énergie en fromagerie (novembre 2013)

Cinq ans après la mise en place des diagnostics énergie-fluides en fromagerie, quel bilan ?

C’est en février 2008 que le premier bon de commande diagnostic énergétique a été signé par une entreprise de la filière Comté (coopérative de Plasne) et depuis 5 ans, au gré de la disponibilité des intervenants et des coopératives signataires, ce sera, fin 2013, près de la moitié de la transformation coopérative fromagère qui aura réalisé cette étude.
La plupart des ateliers ont entrepris des travaux d’isolation et investi dans du matériel plus performant. Nous donnons dans ce dossier l’exemple de 2 fruitières, celles de Frasne et de La Marre.

Le succès de cette opération repose sur trois raisons principales :
• Le bouche à oreilles des présidents qui valident unanimement ce programme, la part d’investissement de la fromagerie étant amortie dès la première année.
• La connaissance très fine du fonctionnement des ateliers de la part de deux bureaux d’études sélectionnés sur la base d’un cahier des charges unique, dont celui de M. Rubrecht, ancien fromager intervenant pour le compte de la FDCL25-39, et de Valérie Vuitton spécialisée sur ce dossier.
• Un financement intéressant avec 35 % d’aides de la région et 35 % de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, le solde à charge de la fromagerie.

« Les coopératives et la filière Comté ont compris très tôt que leur activité de transformation était énergivore, que ces énergies fossiles ne sont pas inépuisables et que leur approvisionnement sera de plus en plus cher », rappelle Bernard Marmier, président de la FDCL du Doubs et membre du comité de pilotage ESPèR (eau, sous-produit, énergie) pour la FDCL 25-39. Le diagnostic énergie-fluides permet en effet de vérifier, poste par poste, (process, chauffage, froid, éclairage) que les consommations n’excèdent pas les besoins réels de la fromagerie. Avec, en complément, une liste d’améliorations à apporter.

Renseignements : FDCL 25-39 / Valérie Vuitton 19 rue de l’Égalité – 39800 Poligny – vvuitton(at)fdcl25-39.fr

En chiffres

La consommation d’énergie des fromageries axées sur la fabrication d’AOP en Franche-Comté (161 ateliers dont 133 coopératives) est en moyenne de 168 kWh PCI* pour 1 000 litres de lait transformé. Cette énergie est destinée pour 81 % à des usages thermiques.
La moyenne de la collecte laitière est de 88 km par jour pour une consommation correspondante de carburant de 2,4 litres de gasoil / 1 000 litres de lait collecté.
La consommation d’eau est d’environ 1,4 litre pour 1 litre de lait (1 l d’eau par litre de lait pour les ateliers en mono-production Comté).

*PCI, Pouvoir Calorifique Inférieur : l’eau reste à l’état de vapeur dans les produits de combustion.

À Frasne (Doubs) : « Maintenir la viabilité de notre coopérative »

Cette fruitière de 3 millions de litres de lait, qui pratique la coulée, a réalisé un diagnostic énergie-fluides en 2010.

« Nous voulions savoir où se situaient nos points faibles et nos pertes en énergie », confie Maurice Vanthier, le président de la fruitière. « Le diagnostic et les aides qui accompagnent ce programme d’économie d’énergie nous ont donné le coup de pouce nécessaire pour réaliser différents travaux et maintenir la viabilité de notre coopérative », admet le président. Les investissements ont été réalisés par étapes en 3 ans et ont concerné les postes “énergie” et “fabrication”.
L’investissement dans un nouveau système de refroidissement du lait a été la priorité, car le lait apporté le soir doit être réfrigéré à la fromagerie. « La coulée, c’est un choix des sociétaires à la majorité, c’est notre identité. Elle nous permet aussi de faire l’économie d’un tank à lait dans chaque ferme ! ».

De plus, en caves, l’évolution de la centrale frigorifique (en détente directe) vers des groupes plus performants, et le passage à la technologie à l’eau glycolée (suppression du gaz réfrigérant R22) entrent bien dans les améliorations proposées par le diagnostic énergie-fluides. Par ailleurs, une récupération d’énergie sur les groupes froids a été mise en place pour le séchage des planches.

Autre investissement important : l’adaptation du soutirage à la capacité des cuves avec l’installation d’un nouveau système de pompe à caillé plus performant, et par là même la possibilité de faire des économies de chauffage qui seront précisément chiffrées fin 2013, à l’issue d’une année complète de fonctionnement.

Le diagnostic énergie-fluides étudie aussi les rejets de la fromagerie. Les équipements mis en place à Frasne (pompe à caillé et carrousel de pressage) ont permis une meilleure récupération du petit-lait qui est transporté par un lactoduc jusqu’à une porcherie. Le système de canalisation et d’évacuation des eaux a également été amélioré. Les eaux de lavage de la fruitière sont traitées par la station d’épuration de la communauté de communes.
Au total, la fromagerie aura investi un montant de 650 000 euros, dans le système de froid et pour l’ensemble du poste fabrication, dont une partie pour la fabrication de Morbier. Le montant éligible aux aides est de 364 500 euros et le montant des aides publiques sera de 88 000 euros.

Fruitière de la Marre (Jura) : le diagnostic pose des garde-fous

La fruitière de La Marre avait des projets d’investissements. Le diagnostic énergie-fluides a permis de faire les bons choix.

« Une installation ancienne et des consommations d’électricité, de fuel et d’eau un peu plus élevées que la moyenne » : les sociétaires de la fruitière de La Marre n’ont pas été étonnés par les conclusions du diagnostic énergiefluides, ils connaissaient les points faibles de leur fromagerie. Mais ils cherchaient, avant tout, un avis extérieur et le conseil de spécialistes sur les investissements à réaliser. Avec Valérie Vuitton, conseillère de la FDCL25-39, les sociétaires et le fromager ont travaillé dans l’optique d’optimiser la fromagerie. « Ce travail a permis de mettre des garde-fous sur ce qu’il est important de faire et ce qui l’est moins », explique Paul Jeusset, le fromager, qui a apprécié ces échanges.
« Quand on a évoqué l’isolation de l’ensemble du circuit vapeur, j’ai hésité en pensant au nettoyage et au résultat visuel », se rappelle-t-il. Après les travaux, l’isolation des tuyaux avec de la laine de roche et des manchons en inox a donné toute satisfaction et a diminué les pertes en calories.
Le récupérateur de chaleur existant a été équipé d’un échangeur à plaques plus performant. Le bac à eau glacée avec un compresseur à haut rendement permet ainsi de refroidir le sérum rapidement à 6-7°C. « C’est un point important pour la qualité de notre sérum destiné à la production d’aliments infantiles », explique Patrick Barbier, le président de la fruitière.

Plusieurs améliorations ont été apportées pour diminuer la consommation d’énergie :
• la rénovation des cuves qui ont été isolées avec de la laine de roche à la place du bois et équipées de serpentin à vapeur en inox (travaux réalisés avant le diagnostic)
• l’isolation de toutes les tuyauteries, à l’intérieur et à l’extérieur des bâtiments,
• L’optimisation de la production d’eau chaude sanitaire (-30 % des besoins en fuel antérieurs) et de la sécurité avec suppression des mélangeurs vapeur–eau froide
• l’isolation des caves et l’installation d’un groupe de régulation,
• l’installation d’une station “mousse” pour le lavage,
• un contrat de maintenance pour le système de refroidissement, ainsi que pour la génératrice (après 35 ans d’utilisation, elle affiche toujours un excellent rendement instantané de 91 % !),
• la création d’un GIE pour le ramassage du lait avec la coopérative du Fied, ce qui a permis d’investir dans un camion plus performant, à boîte automatique, et de faire de substantielles économies de fuel (environ 8 litres aux 100 km).

« Avec ces équipements, nous faisons des économies d’énergie et d’eau, mais nous gagnons aussi en temps et en facilité de travail », indique le fromager. Pour lui, pas de doute, les sociétaires ont su faire les bons choix et maintenir une dynamique d’investissements avec des projets pour l’avenir. La fruitière envisage d’investir dans deux cuves de fabrication et des presses. À La Marre, les petites économies font les grandes rivières…

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