Sécheresse 2018 : comment faire face à la pénurie de fourrages ? (février 2019)

Laurence Moyse, dans l’étable de son exploitation à Septmoncel dans le Haut-Jura.
Laurence Moyse, dans l’étable de son exploitation à Septmoncel dans le Haut-Jura.
Après la sécheresse estivale, voici quelques pistes de réflexion pour répondre au manque de fourrages ou à l’absence de regains, en tenant compte des spécificités de chaque ferme.

La solution miracle n’existe pas, mais les conseillers en élevage proposent des pistes de réflexion, à adapter sur chaque exploitation.

Peut-on se débrouiller sans regains ?

Oui, à condition d’avoir assez de foin, de réserver le meilleur aux vaches laitières et d’utiliser des matières premières adaptées.
Il faudra privilégier des concentrés solubles et rapides : blé, triticale, orge, maïs pour les céréales et tournesol, colza, soja pour les tourteaux. Puis calculer une ration et la vérifier. Acheter de la luzerne déshydratée peut être une bonne idée… ou pas. Cela dépend du prix de la luzerne, du prix du lait, de la quantité habituelle de concentrés donnée par vache par an.
Tout ceci n’est valable qu’en fonction de l’exigence de chacun concernant son niveau de production. Sans regain, avec suffisamment de fourrages, l’affaire est faisable en acceptant de produire moins. Le niveau de production devrait cependant être au-dessus de celui de 2016.

Comment faire face au manque de fourrages ?

Un bilan fourrager.
D’abord un bilan fourrager (et éventuellement une prévision laitière) s’impose pour évaluer l’offre (les réserves disponibles) et la demande (les bêtes à nourrir). Sur la balance, le déséquilibre sera évident… Que faire ?

Acheter ?
« Acheter beaucoup plus de concentrés n’est pas un bon calcul », assure Florian Anselme, conseiller EVA Jura qui relève un taux de substitution médiocre d’au mieux 3 pour 1. Utiliser ou acheter de la paille pour nourrir ses génisses peut être une option parmi d’autres, selon le prix et l’objectif d’âge au vêlage. A cela s’ajoute la possibilité d’acheter du fourrage en se posant la question de la disponibilité, du prix, de la valeur nutritive et du choix des animaux à qui on va le donner. « La solution du fourrage est toujours à privilégier par rapport aux aliments déshydratés », poursuit Florian Anselme.

Se séparer de certains animaux ?
Après avoir joué sur l’offre, il peut s’avérer utile de jouer sur la demande. On peut réfléchir à se séparer de vaches peu productives ou d’animaux d’ateliers complémentaires. Faut-il garder toutes ses génisses ? Vendre les animaux à l’engraissement à l’automne par exemple ? « Tout cela se calcule et se réfléchit », termine Florian Anselme ajoutant qu’il n’y a pas une recette commune à tous, mais des solutions pour chacun.

Cahier des charges : une « dérogation » spéciale

À la suite de l’épisode intense de sécheresse qui a sévi l’été dernier dans la zone AOP Comté, l’INAO a accordé une modification temporaire du cahier des charges, permettant aux producteurs de donner jusqu’à 2 tonnes de concentrés par vache laitière par an (contre 1,8 t habituellement) et d’acheter du fourrage produit à l’extérieur de la zone pour les vaches laitières. Rappelons que la ration des vaches laitières de l’AOP Comté doit être composée d’au moins 50 % d’aliments originaires de la zone AOP Comté. Les producteurs qui souhaitent utiliser l’une ou l’autre des possibilités « dérogatoires » doivent se signaler à l’URFAC au moyen d’un formulaire à demander au responsable de la fruitière ou par mail à Emilie Morel : e.morel(at)urfac.fr

Les conseillers élevage se tiennent à disposition des éleveurs pour dresser des bilans fourragers individuels nécessaires à cette demande.

L’hiver, un logement tout confort pour des vaches en forme !

Logées dans des installations bien entretenues, les vaches ont toutes les chances de passer un hiver douillet !
Logées dans des installations bien entretenues, les vaches ont toutes les chances de passer un hiver douillet !
Aire paillée, étable à logettes ou étable entravée… Quel que soit l’habitat hivernal des animaux, l’essentiel est de le rendre confortable.

L’hiver, les vaches logent à l’étable dans un système d’hébergement « 5 étoiles » choisi par l’éleveur. Les conseillers en élevage considèrent qu’environ 30 % des exploitations de la zone AOP sont restées en étables entravées, le système
traditionnel, tandis que d’autres, particulièrement dans le bas Jura où les éleveurs sont aussi céréaliers, ont opté pour l’aire paillée. « Mais la majorité de ceux qui investissent dans de nouveaux bâtiments (environ 100 nouveaux bâtiments par an recensés) opte pour les logettes, le système le plus répandu sur la zone AOP », assure Thierry Dubief d’Eva Jura. Peu importe le logement choisi, l’important est de veiller à son bon fonctionnement pour assurer le confort gestuel et alimentaire des animaux, propice à une bonne productivité. « On considère par exemple qu’une heure de couchage de plus équivaut à un litre de lait supplémentaire », assure Louise Crépeau de Conseil Elevage 25-90.

Si l’entretien et le réglage des installations s’avèrent primordiaux, d’autres facteurs sont à prendre en compte dès la conception du bâtiment : une bonne aération de la structure favorisera le confort des animaux, puisque les vaches transpirent beaucoup et ont un confort thermique plafonnant à 6°C ou 7°C. Idem pour la largeur du couloir, déterminante pour éviter les embouteillages, les blessures et donc les baisses de production. Enfin, un bâtiment n’est jamais isolé de son système : il faut réfléchir aux possibilités de gestion des déjections.
« Les pratiques sont facilement corrigeables, mais quand on se trompe sur le bâti, on en prend pour 15 ou 20 ans ! », assure Thierry Dubief, enjoignant les éleveurs à demander conseil en amont. « Les agriculteurs nous appellent parfois pour connaître les normes en vigueur. Mais la taille de la logette est finalement assez secondaire, comparée à la cohérence globale du système à mettre en place. »

Les vaches sous l’oeil des caméras pendant 24 heures

Proposé par Conseil Elevage 25-90 (Eva Jura proposera elle aussi cette prestation en 2019), Observ’+ est un dispositif de caméras, qui filment les animaux dans leur étable pendant 24 heures afin d’observer leur comportement en l’absence d’hommes.
En ressort un film de 10 minutes qu’un conseiller analyse avant de confirmer ses observations par un tour d’élevage. Un éventuel embouteillage dans le couloir ? Il n’est pas assez large. Les vaches attendent pour boire ? Il manque des points d’eau ou peut-être sont-ils mal placés. Certaines logettes sont moins fréquentées que d’autres ? Peut-être un courant d’air ou des logettes mal réglées, etc. L’outil sert aussi lors des phases de conception du bâtiment, pour montrer, preuve à l’appui, les écueils à éviter.

Logettes, étable entravée ou aire paillée ?

Stéphane Barbe aux Moussières a choisi l’étable entravée pour son troupeau
Stéphane Barbe aux Moussières a choisi l’étable entravée pour son troupeau

Les logettes : le nombre de logettes et de cornadis est égal au nombre de vaches. Les logettes doivent être paillées largement, suffisamment grandes et bien réglées pour permettre à l’animal de se coucher. Si les logettes sont face à un mur, Thierry Dubief préconise 1,25 m de large par 2,70 m de long et 2,50 m de long si elles sont en face à face.

L’étable entravée : les agriculteurs sortent leurs vaches très régulièrement pour les dégourdir et observer les chaleurs sur une aire d’exercice ouverte. C’est le système nécessitant le travail journalier le plus exigeant et la mécanisation y est moins aisée que dans les autres systèmes.

L’aire paillée : les éleveurs curent et paillent régulièrement l’aire de stabulation, tout en laissant un moment les animaux au cornadis après la traite, le temps que les sphincters de leurs trayons se referment. Un minimum de 7 m2 par vache est nécessaire, voire plus si cette surface contient des zones « inutilisables » proches des murs ou des barrières par exemple.

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