Le paysage nous en dit long…Passavant (décembre 2019)

Sur le haut de Passavant, les haies sont nombreuses et la forêt a beaucoup progressé depuis la fin des années 1950.
Sur le haut de Passavant, les haies sont nombreuses et la forêt a beaucoup progressé depuis la fin des années 1950.

Passavant, un modèle agricole propice à la préservation de l’environnement

Par Pascal Bérion
Maître de conférences en Aménagement de l’espace et urbanisme
Université de Franche-Comté / Laboratoire ThéMA UMR CNRS 6049

Située dans le Doubs, dans la partie nord de la zone d’appellation protégée Comté, la fruitière de Passavant valorise le lait de 17 exploitations agricoles réparties sur neuf communes. Le bassin de collecte s’organise en deux entités. La première comprend Passavant et les localités voisines (Adam-les-Passavant, Courtetain-et-Salans et Lanans). La seconde est située plus au nord, par-delà la vallée du Cusancin, autour de la montagne du Lomont (Chaux-les-Clerval, Chazot, Crosey-le-Petit, Orve et Vellerot-les-Belvoir).

Le terroir de la fruitière de Passavant appartient dans sa totalité aux premiers plateaux du massif du Jura. Il s’organise en trois unités agro paysagères dont la distinction est parfois ténue à opérer.

La première correspond aux finages d’Adam-les-Passavant, Passavant et Lanans. Les altitudes moyennes sont légèrement supérieures à 500 mètres. Il s’agit d’un élément du premier plateau qui se situe dans le prolongement vers le nord du plateau de Nancray. Cependant, bien qu’il s’agisse d’un plateau, sa surface est fortement modelée sous l’effet d’une part de failles issues de fractures de l’épaisse dalle calcaire lors des phases de soulèvement et de plissement du massif du Jura et d’autre part en raison de l’érosion karstique. Vers le nord, le plateau se termine sur les derniers éléments du faisceau bisontin qui précèdent la vallée du Doubs. A l’est, il est stoppé par la vallée du Cusancin qui imprime sa reculée dans le plateau. Ici le paysage est fortement structuré par un important maillage de haies fondé sur un patient et ancestral travail d’épierrement des parcelles. L’habitat rural s’organise autour de villages groupés près d’un point d’eau et donne à voir une certaine dispersion constituée par de gros hameaux tels que La Combe Constantin, Les Bichets, et les Voidey sur la commune de Passavant.

La seconde est plus modeste en superficie et se déploie sur Courtetain-et-Salans puis sur la partie haute de la commune de Passavant. Il s’agit d’un ensemble organisé par l’anticlinal de Buez. Culminant à 700 mètres d’altitude, il forme un mont étroit s’étirant d’ouest en est. Son franchissement permet de rejoindre le plateau de Vercel. Cette montagne est en partie recouverte de prairies et plusieurs fermes et de minuscules hameaux s’y sont installés (Buez Dessus, Buez Dessous). Les haies sont nombreuses cependant la transformation paysagère la plus importante réside dans une progression significative de la forêt. En bordure des anciennes lisières, de nombreux prés ont été plantés depuis la fin des années 1950.

La troisième s’inscrit toujours sur le premier plateau et se déploie aux alentours de 500 mètres d’altitude au pied de l’imposante montagne du Lomont. Elle est occupée par les finages des villages de Crosey-le-Petit, Chazot, Orve et Vellerot-les-Belvoir. Les villages sont dans l’ensemble groupés et ne laissent pas de place à une dispersion sous forme de hameaux et de fermes isolées. L’ensemble repose sur une épaisse dalle calcaire. Les sols généralement minces requièrent un épierrage des parcelles agricoles qui fonde un maillage dense de murgers et de haies. Plusieurs ruisseaux intermittents, affluents du Cusancin, incisent et modèlent la topographie.

La spécialisation de l’agriculture autour du modèle économique des fruitières de fromagerie semble s’être établie assez tardivement puisqu’on n’en trouve la trace qu’à partir de de la seconde moitié du XIXème siècle. En 1851, seules trois fruitières (toutes de création récente) sont dénombrées à Adam-les-Passavant et Lanans. Dix ans plus tard, elles sont cinq, dont deux pour Passavant. En 1929, il y en a sept, toutes fabriquent du Gruyère pour un volume total de 3,7 millions de litres de lait.

Depuis les années 1950, l’agriculture s’est considérablement transformée. Partout, elle a perdu de nombreux actifs et abandonné des terres à l’urbanisation, à la forêt et aux espaces naturels. Aujourd’hui, la dimension moyenne des fermes de la fruitière de Passavant est voisine de 100 ha et compte environ 45 vaches laitières. En 1955, elle était de 22ha et de 8 vaches. Cette évolution est le produit d’un constant développement technique et matériel des exploitations. Cependant, il est remarquable de constater qu’il s’est opéré en gardant les attributs fondamentaux du système agricole originel : des vaches, des prairies, quelques cultures de céréales fourragères et une valorisation locale du lait en fromage. En maintenant et en faisant croitre la valeur ajoutée liée à la transformation du lait sur le territoire (rente de l’AOP Comté) la modernisation de l’activité agricole a été facilitée. Le modèle s’est transmis et a prospéré. Les nombreuses haies si typiques du paysage du terroir de Passavant ont été construites par des générations d’agriculteurs. Celle d’aujourd’hui les entretient, s’en accommode, en réduit parfois certaines portions pour permettre le passage des équipements de fenaison et les transmet. Le choix d’un autre modèle de développement agricole n’aurait sans doute pas abouti à un bilan agro-environnemental aussi favorable.

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