Le paysage nous en dit long…Arc-Sous-cicon (mai 2017)

(Photo © CIGC/Petit)
(Photo © CIGC/Petit)

Lecture de paysage : du val d’Arc-sous-Cicon aux prairies du crêt Monniot

Par Pascal Bérion
Maître de conférences en Aménagement de l’espace et urbanisme
Université de Franche-Comté / Laboratoire ThéMA UMR CNRS 6049

Le terroir de la fruitière d’Arc-sous-Cicon se localise dans le Haut-Doubs entre Pontarlier, Morteau et le Valdahon. Il est organisé par treize élevages qui produisent un peu plus de 3,8 millions de litres de lait sur presque 1 200 hectares d’herbages. Il rassemble des producteurs implantés sur le territoire de la commune éponyme et dans les villages voisins d’Aubonne, Hautepierre-le-Chatelet, Nods et Gilley.

Il s’inscrit dans un cadre géographique riche et complexe dans lequel quatre sous- ensembles sont identifiés :

le premier correspond à une vaste dépression de forme ovale orientée nord-est sud-ouest. L’altitude moyenne est de 800 m, la topographie est plane, en son sein est installé le village d’Arc-sous-Cicon. Il s’agit d’un val qui forme un bassin hydrographique fermé qui retient l’eau car il est composé de marnes recouvertes par des alluvions. Compte tenu du contexte géologique, des tourbières se sont formées, la principale étant celle dite du Grand Marais à proximité du village. Il en résulte une présence d’eau et l’existence de sols frais et humides propices au développement des prairies. Sur les rebords de cette cuvette la présence d’affleurement calcaires conduit à réserver les prés pour le pâturage ;

le deuxième, situé au sud d’Arc-sous-Cicon, est constitué par un mont dont le sommet culmine à 1 141 mètres au Crêt Monniot. Les versants sont pentus et recouverts par une forêt où dominent les résineux. Le sommet forme une vaste étendue vallonnée mais régulière où sont installées des prairies mises en valeur par des fermes isolées qui se sont dispersées dans le finage. Le massif du Crêt-Monniot est un site réputé pour la pratique du ski nordique et sa situation topographique offre de superbes panoramas sur le massif du Jura et les Alpes ;

le troisième, localisé au nord d’Arc-sous-Cicon, est lui aussi un mont mais les altitudes sont moindres puisque le sommet de la Côte est situé à 950 mètres. Il constitue d’un des derniers éléments du chainon montagneux, dit « faisceau salinois », qui sépare les premiers et seconds plateaux du Jura. L’observation de photographies aériennes des années 1950 montre que la forêt s’y est étendue. Des plantations de résineux ont remplacé des zones de prés-bois. Cependant, il subsiste encore de belles pâtures dans ce quartier dit des Bouts de Nods ;

le quatrième, situé à l’ouest, comprend les environs d’Aubonne et d’Hautepierre-le-Chatelet. Les espaces agricoles prennent la forme de clairières dans un relief qui révèle un évènement géologique d’importance pour le massif du Jura : le décrochement de Pontarlier. Ici, sur un axe Nord-Sud, sur lequel d’ailleurs se superpose presque à la perfection la RN57, les plis du massif du Jura sont littéralement tronçonnés par de puissantes failles. Il en résulte le dégagement par l’érosion des formes actuelles du relief et surtout l’alimentation de la source de Loue par les pertes du Doubs à Pontarlier (les eaux circulent par les failles).

La mise en valeur de ce terroir par un système d’élevage dédié à la fabrication de fromages est ancienne. Plusieurs sources historiques indiquent qu’il a plusieurs siècles d’antériorité. Il est signalé que 8 fruitières existaient en 1850.

Logé dans sa cuvette, Arc-sous-Cicon forme un village typique du Haut-Doubs. Il se présente sous la forme d’une agglomération en étoile dans laquelle se distingue près de l’église (dont le clocher Comtois détruit par la foudre en 1929 a été remplacé par une flèche en béton moins typique du style architectural régional) une imposante Mairie-Ecole (1864) dimensionnée pour accueillir grâce à son internat, les enfants des fermes dispersées et isolées dans la montagne.

Les anciennes maisons du village sont pour beaucoup des fermes dites pastorales en pignon, mais elles sont souvent devenues des lieux de résidence. Cependant, certaines ont gardé leur vocation originelle et se sont vues adjoindre des extensions pour accueillir des étables et des granges adaptées aux équipements agricoles contemporains. A l’est du village, un important lotissement s’est construit. Sa forme compacte limite son impact sur l’urbanisation des espaces agricoles. Le finage aujourd’hui remembré est un openfield en mosaïque. Les haies sont rares et souvent localisées à proximité des lisières forestières où près des affleurements rocheux.

Par-delà le village une dispersion de l’habitat rural et agricole se présente selon deux modalités. La première est composée de hameaux regroupant quelques fermes et maisons (le Plambois, la Rasse et les Cordiers) situés en retrait du village mais au sein de la dépression d’Arc-sous-Cicon. La seconde est composée de fermes dispersées sur le massif du Crêt Monniot (Pré la Dame, Grange du Bief Jacquin, Montigny…).

Le terroir de la fruitière d’Arc-sous-Cicon façonne un paysage patrimonial de l’AOP Comté. Les prés de fauche et les pâtures sont bien entretenus. Les fermes sont nombreuses et d’aspect soigné. L’habitat ancien n’est pas délaissé puisque le village dispose d’un centre animé et habité (ce qui est de moins en moins le cas dans les bourgs ruraux). Les constructions récentes de pavillons sont contenues et ne nuisent pas aux activités agricoles. Quant à la fruitière elle participe de l’animation de la vie villageoise en étant installée dans la rue principale.

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