À Vernierfontaine, les bonnes pratiques agricoles favorisent la biodiversité (septembre 2015)

En Franche-Comté, les filières fromagères AOP sont engagées dans la préservation des terroirs, des paysages et du cadre naturel de production de leurs fromages. A l’initiative de l’Union Régionale des Fromages d’Appellation Comtois (URFAC), une étude expérimentale sur les pratiques agricoles et leurs éléments paysagers associés a ainsi été réalisée cette année sur le territoire occupé par les 20 exploitations agricoles formant la coopérative de Vernierfontaine (Doubs), afin d’évaluer le niveau global de biodiversité dite « ordinaire » sur ce territoire. Elle montre notamment que la fruitière de Vernierfontaine, qui s’étend sur 7 communes, détient un important potentiel de biodiversité grâce aux surfaces élevées en prairies permanentes, à la diversité et à la densité des haies, bosquets et lisières associées à la diversité de l’assolement. Les pratiques agricoles sont variées entre les 20 exploitations et participent à la production d’un contexte diversifié. La gestion actuelle des prairies permanentes offre un bon compromis entre préservation de la biodiversité et production de fourrage (qualité et quantité) pour garantir l’autonomie alimentaire sur la plupart des exploitations. De plus, les pratiques agricoles sont adaptées aux ressources et aux contraintes du territoire.
Les résultats complets de cette étude ont été rendus publics le 7 septembre dernier :

« Sur le territoire de la fruitière, explique Marie Leroy, élève ingénieure agronome, les paysages sont très variés, notamment grâce aux caractéristiques de sol et d’altitude différents des sept communes où se situent les exploitations de la fruitière. On y trouve de nombreux bosquets, lisières de forêts, et haies d’essences multiples poussant sur des murgers -monticules de pierre issus de l’épierrement historique des parcelles-, qui sont autant de lieux d’habitat, de refuge et de garde-manger pour de nombreuses espèces faunistiques comme floristiques. 80 % des prairies exploitées comportent un de ces éléments favorables à la biodiversité (à noter qu’à partir de 50 %, on considère le milieu comme favorable à la biodiversité). Ici donc, le paysage façonné par l’homme depuis des siècles s’avère très favorable au maintien de la diversité des espèces animales et végétales. »
« La densité de ces éléments paysagers est élevée, poursuit Marie Leroy, qui a suivi la méthode BIOTEX pour réaliser l’étude. Dans l’ensemble, le système est par nature extensif, encadré par le cahier des charges strict des fromages AOP en matière de fertilisation. Les producteurs ont fait le choix de fertiliser davantage certaines parcelles et d’en tirer un maximum de fourrage pour assurer l’autonomie alimentaire de leurs exploitations.
D’autres parcelles sont par ailleurs pas ou peu fertilisées, et constituent un espace de compensation en faveur de la biodiversité. Les haies et lisières sont entretenues de façon à conserver des paysages ouverts, plus riches en biodiversité que la forêt. Ces interventions se font à l’automne, hors période de nidification des oiseaux et de floraison des arbustes, et cela de façon modérée. Les « nettoyages » trop sévères sont évités : les producteurs laissent volontiers parvenir à floraison les plantes qui poussent sous les clôtures par exemple. »
« A la fruitière de Vernierfontaine, conclut-elle, on se trouve donc sur un territoire avec un grand potentiel de biodiversité, notamment grâce à la surface élevée en prairies permanentes, et à la densité de haies, bosquets et lisières sur le territoire. Les activités d’élevage entretiennent le paysage et contribuent au maintien de la biodiversité dans les écosystèmes agricoles. »

Poster de l’étude téléchargeable ici en PDF.
Ils ont dit :

René Charmoille, sociétaire de la Fruitière : « Maintenir mes haies présente un grand intérêt : après la canicule, alors que la plupart des prairies étaient sèches, j’ai pu faucher du regain de 30 cm dans les parcelles protégées par les haies. Et ce matin, alors que pour la première fois il a gelé et que la bise soufflait, j’ai trouvé mes vaches couchées au pied des haies. Les haies sont un abri pour les vaches aussi ; elles participent à leur bienêtre. »

Gérard Guyot, sociétaire de la Fruitière : « Je suis fier de pouvoir faire visiter mon exploitation que je qualifie ‘’d’entreprise à ciel ouvert’’ On peut faire du Comté ET de la biodiversité. Les producteurs de lait comme moi mènent de front activité économique rentable, participation à la vie sociale rurale et respect de l’environnement. Nous faisons tous les jours du développement durable sans le savoir. Il faut exporter ce modèle ! »

Patrick Duboz, Président de la Fruitière : « Il y a peu de pression foncière dans la zone de la coop. Les agriculteurs ont des surfaces et ne sont pas poussés à la productivité donc peu enclins à retirer les haies pour gagner en surface exploitable. Il ne faudrait pas tout chambouler avec de gros moyens ce qui fait la valeur de notre lait. Les éleveurs de la coopérative sont davantage tournés vers l’économie des moyens. Ils ont envie aussi de bien faire leur métier, de bien vivre avec la population qui les entoure et donc d’apporter… leur pierre à l’édifice. »

Claude Vermot-Desroches, Président du CIGC : « Les agriculteurs souhaitent légitimement que leur métier évolue tout en préservant le milieu dans lequel ils l’exercent. Avec les remembrements des années 70, le paysage s’est transformé, la mosaïque des parcelles de l’époque était faite de la juxtaposition de parcelles tout en longueur : la mosaïque s’est recréée, mais avec des pièces ‘’plus carrées’’ pour en faciliter l’exploitation. Un programme comme Biotex permet de faire redécouvrir leurs pratiques aux éleveurs. Les gestes ancestraux ont une valeur qu’il faut préserver, malgré les pressions que subit le monde agricole. Les filières AOP se veulent volontaires et modestes, engagées au côté des scientifiques et en se protégeant des pressions prétendument modernistes. »

Véronique Rivoire, Ets Rivoire-Jacquemin : « Mon entreprise a l’honneur d’affiner et de commercialiser les Comté de Vernierfontaine. Une cave d’affinage, c’est comme une bibliothèque. Il faut trouver le livre, ou ici le lot de fromages qui correspond au goût du client. J’ai reçu récemment des acheteurs de la côte ouest des Etats-Unis qui ont demandé à visiter la coopérative de Vernierfontaine. Je suis fière de l’accueil qui leur a été réservé. Ils ont vu les paysages préservés, ils ont vu les vaches ruminant tranquillement dans les prés, ils ont assisté à la traite du soir et ont vu le lendemain matin ce même lait se transformer en Comté dans les grandes cuves de cuivre, sous l’oeil attentif du fromager… La filière AOP cultive son image qui repose sur le respect du territoire, de la tradition et du travail des anciens. Une étude comme celle qui vient d’être présentée apporte une plus-value en ce sens. »

Claude Philippe, Président de l’URFAC : « Nous comptons bien déployer l’étude Biotex à l’échelle d’un échantillon représentatif d’ateliers, mais aussi participer au programme national ‘’life +’’ qui prévoit la mise en place d’actions volontaristes concrètes en faveur de l’environnement. Et peut-être qu’un jour, obtiendrons-nous une forme de labellisation du paysage comtois, tel qu’il est, modelé par des siècles d’élevage et de production fromagère ? »

Sophie Fonquernie, vice-présidente du Conseil Régional de Franche-Comté, co-financeur de l’étude, elle-même productrice de lait AOP, à 50
km de Vernierfontaine : « Je suis très intéressée par cette notion de ‘’services rendus par les prairies à la société’’. Je souhaite que ces services puissent être quantifiés, pour en faciliter l’appréhension par la population. »

Pascal Bérion, de l’Université de Franche Comté, lors de l’analyse paysagère du GAEC du Printemps qui a conclu la restitution de l’étude : « L’exploitation comporte côté pile une zone d’openfield avec de très grandes pâtures de fauche et côté face un espace bocager riche en haies. Ce constat illustre concrètement le choix des éleveurs : disposer de surfaces assurant la ressource fourragère et donc l’autonomie alimentaire du troupeau et disposer d’espaces de pâturages confortable pour le bétail (les haies coupent le vent du Nord) et aussi propices à la biodiversité. »

Le président de l’URFAC a conclu ces travaux en réaffirmant la détermination des filières fromagères AOP de continuer ce travail titanesque pour aboutir à la réappropriation des paysages francs comtois par les producteurs de lait qui les ont façonnés au fil des siècles.

REPÈRE 1 : le rôle clé de la biodiversité en milieu agricole.- La biodiversité représente la diversité des êtres vivants et des écosystèmes : la faune, la flore, les bactéries, les milieux, et intègre aussi leurs interactions. Les écosystèmes, grâce aux êtres vivants qui y habitent, rendent différents services à la société : pollinisation, régulation (maladies, crues, climat), qui favorisent aussi les productions agricoles. L’équilibre qui se crée entre la faune et la flore est primordial pour maintenir ces services. Sur un territoire, des pratiques agricoles extensives et une hétérogénéité du paysage sont bénéfiques pour la biodiversité.

REPÈRE 2 : la méthode BIOTEX.- Déclinaison du projet national INDIBIO (INDIcateurs de BIOdiversité), elle a été mise en oeuvre dans cette étude conduite avec les producteurs des 20 exploitations de la fruitière de Vernierfontaine, en partenariat avec l’Institut de l’Elevage, le laboratoire Thema (UMR CNRS Université de Franche-Comté) et l’URFAC.
L’étude a été réalisée par Marie LEROY, étudiante à Agrocampus Ouest Rennes, et une contribution sur les outils et analyses géomatiques a été apportée par 12 étudiants de première année du Master de Géographie et Aménagement de l’Université de Franche-Comté.

REPÈRE 3 : Vernierfontaine, une fruitière, trois entités paysagères et sept communes.- Le territoire de la fruitière se localise sur le premier plateau des montagnes du Jura. Les sols sont développés sur des calcaires durs et perméables, donc sensibles à la sécheresse, mais des différences d’altitude et de couches géologiques rendent possible une variété de contextes paysagers locaux.
– 7 communes / 20 exploitations / 35 producteurs / 1 010 vaches laitières
– 6,6 millions de litres de lait AOP produits par an et transformés en 14000 meules de Comté AOP.
– 1 200 ha de prairies permanentes / 700 ha de prairies temporaires / 200 ha de culture / 2 100 ha de SAU (Surface Agricole Utile)

Actualité suivante

Les Routes du Comté reconnues Destination Touristique Européenne d’Excellence !