Affinage : les secrets du bois percés à jour

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Les chercheurs ont mis à jour de nouveaux arguments pour l’utilisation du bois dans les caves d’affinage. Pour le Comté, le bois est un matériau garantissant un bon croûtage. Le bois, précieux ! Le bois est utilisé comme support d’affinage (planches en bois) dans de nombreuses filières fromagères (Emmental, Comté, Beaufort, Morbier, Raclette, Mont d’or, Cantal, Salers, Reblochon, Munster…). Il constitue donc un support précieux pour la typicité des fromages. Néanmoins, le législateur soumet l’utilisation du bois à un régime dérogatoire, depuis la publication d’une directive européenne en 1992.

En Comté, les planches des caves sont entièrement nettoyées, environ une fois tous les 6 mois en cave de pré-affinage et en cave chaude, et une fois par année en cave froide. Elles sont ensuite séchées à l’air libre et à l’abri.


C’est dans ce contexte que deux programmes de recherche ont été conduits par Actilait, des instituts techniques et scientifiques ainsi que des professionnels fromagers pour caractériser la « nettoyabilité » et le rôle du biofilm (c’est-à-dire la communauté de micro-organismes adhérents au support bois) présent naturellement à la surface des planches d’affinage. Les principaux enseignements sont présentés ci-dessous.

La flore de croûtage colonise les planches

La première étape a consisté à décrire les micro-organismes présents à la surface et en profondeur des planches d’affinage, en filières Beaufort, Abondance, Reblochon, et Tomme de Savoie. Sur les planches neuves, en sortie de scierie, la présence de flore était négligeable. Par contre, la flore sur les planches utilisées en cave d’affinage colonise la surface et les deux premiers millimètres de la profondeur du bois. La nature des flores rencontrées est représentative de celles présentes sur le croûtage des fromages affinés sur ces planches. Aucune flore pathogène n’a été mise en évidence en surface et en profondeur sur les 90 planches analysées et prélevées en cave d’affinage.

Le bois présente des fonctionnalités inégalées à ce jour : hygroscopie, rugosité de surface et ensemencement en flore de surface. En jouant astucieusement sur les qualités de ce matériau, il est possible de réguler l’hydratation des fromages et d’orienter positivement l’écologie microbienne présente sur les croûtages.


Un support nettoyable

Afin d’évaluer l’efficacité des procédures de nettoyage de ce type de matériau, des planches ont été volontairement et massivement contaminées par une population connue de flores indicatrices  pathogènes. Les deux méthodes de nettoyage les plus utilisées dans les filières fromagères ont ensuite été testées : soit le brossage à l’eau froide (ou tiède à moins de 35 °C), soit un passage en cabine de lavage à haute pression à 82 °C.
Les 2 méthodes ont montré la même efficacité et conduisent à une quasi-élimination des flores pathogènes étudiées. Le brossage présente cependant l’avantage de mieux respecter la flore intéressante sur le plan technologique et présente à la surface du bois (flore ayant un rôle essentiel pour le croûtage du fromage). Ces éléments vont être très utiles aux professionnels pour la gestion quotidienne de leurs planches d’affinage. Ainsi, en l’absence de problème sanitaire avéré, le brossage constitue une méthode suffisante pour préserver la flore intéressante tout en éliminant, si elles existent, les flores indésirables.

Local attenant à la fruitière à Comté où sont séchées les planches en bois après lavage.


Le bois en affinage : son biofilm inhibe le développement de Listeria monocytogenes.

Une deuxième étude a permis de confirmer l’existence d’un biofilm présent à la surface des planches dans les caves d’affinage de fromages à croûtes lavées (type Reblochon, Munster). Ces résultats confirment que l’écosystème microbien présent à la surface des fromages et par voie de contact sur le bois, inhibe la croissance de bactéries pathogènes. Les mécanismes en jeux ne sont pas connus mais la piste la plus probable semble être la compétition nutritionnelle. Un niveau de développement de cette flore semble nécessaire pour qu’apparaisse un effet barrière.

Le savoir-faire des affineurs

Ces travaux, même s’ils ne peuvent pas encore être généralisés sont riches d’enseignements pour le monde professionnel et scientifique. Ainsi, il apparaît que c’est en s’appuyant sur le savoir-faire empirique acquis par les maîtres affineurs, et la maîtrise des procédures habituelles de nettoyage et de séchage des planches que l’on pourra maintenir voire renforcer cet effet inhibiteur », indiquent les partenaires du programme de recherche.
Un travail qui devrait se poursuivre par la rédaction d’un manuel d’utilisation des planches pour l’affinage des fromages.
Source : d’après une synthèse réalisée par Éric Notz, Nadine Ballot et Claire Mariani (ACTILAIT, CNAOL).


> Précurseur ?

-Défendre l’utilisation du bois en fromagerie ne date pas d’aujourd’hui… En 1967, Marcel Lacroix, fabricant de boîtes à fromages à Bois d’Amont dans le Jura (Société Les Gavottes) avait commandé à M. Brenet, directeur de l’école de laiterie de Mamirolle, une étude comparative sur la tenue et les goûts des fromages (carré de l’Est), selon le type de matériau utilisé pour la fabrication des boîtes à fromages. Qui du carton, du sapin, du peuplier ou de l’épicéa, allait l’emporter ? Ce fut l’épicéa, et haut la main !
Une brochure fut éditée et les conclusions de l’étude, appliquées à la lettre par un des clients de Marcel Lacroix, les fromageries Roustang à Loisey, dans la Meuse, dont le PDG était également président de la Fédération nationale de l’industrie laitière. Son fromage, «Le Petit pâtre», a alors connu un succès fulgurant avec plus de 2 millions de boîtes produites par mois.

Musée Boissellerie Bois Amont
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