Charmauvillers a le Comté dans les veines

Les coopérateurs de Charmauvillers ont profité du soleil d’automne pour se réunir près de leur fromagerie
Les coopérateurs de Charmauvillers ont profité du soleil d’automne pour se réunir près de leur fromagerie

Les 19 fermes familiales de la fruitière mettent en valeur 1 700 hectares intégralement composés de prairies naturelles, pour la fabrication d’un Comté reflet d’un terroir hétéroclite.

Bordée par le Doubs et environnée par les forêts de résineux, la fruitière de Charmauvillers est à deux pas de la frontière suisse. Son histoire est assez récente et débute en 1924 par la vente du lait à un laitier, qui s’installe dans la commune et fabrique de l’emmental.
En 1936, les producteurs adoptent le statut de coopérative, achètent la fromagerie, mais continuent de vendre le lait à un fromager. A cette époque, la fruitière est présidée par Jean Nappey, grand-père de Jean-Marc, le président actuel !
L’actuelle fromagerie est construite en 1962, mais la régie indirecte perdure jusqu’en 1984, année où la coopérative devient l’employeur du fromager. En 1993, la fruitière abandonne la fabrication d’emmental et rejoint la filière Comté.

Moderniser pour pérenniser la fruitière

Onze ans plus tard, la seule et unique fusion se produit : Charmauvillers et Fessevillers s’unissent au sein d’une même coopérative. Cette décision permettra d’entamer par la suite trois vagues de travaux de modernisation : renouvellement et agrandissement de l’atelier en 2011, puis création de vestiaires, salle de repos, bureau pour le personnel et salle de réunion en 2019. Ce mois-ci, 2 900 places en caves viennent d’être créées pour remplacer les anciennes, obsolètes. Au sous-sol, en dessous des caves, des garages et locaux de stockage ont pris place. « Avant de lancer ces travaux, nous avons discuté la
possibilité d’un déménagement de la fruitière sur un terrain
plus à l’écart du village. Mais les terrains plats sont très rares chez nous et très chers ! », expliquent Jean-Marc Nappey et les membres du bureau, qui ont décidé de rester au même endroit, quitte à modifier l’existant au gré des diverses tranches d’investissement.

Des médailles qui font fierté

Le fromager et son équipe œuvrent donc dans de beaux locaux avec du lait de belle qualité. La bonne ambiance, qui règne au sein de cette coopérative, n’est peut-être pas sans lien avec les deux dernières médailles d’or au concours général agricole obtenues en 2020 et en 2022 au Salon de l’Agriculture ? Une
fierté que les sociétaires affichent dans leur petit magasin où Patricia propose chaque jour (du lundi au samedi de 8h à 12h et le dimanche de 9h à 11h) du Comté, de la crème, du beurre et quelques fromages des fruitières alentours.

Gabriel Locatelli, bonhomie et savoir-faire

Gabriel Locatelli (à gauche) avec Florian Ratte, Mathieu Basso et Kevin Regnier

L e « merle siffleur » de Charmauvillers a vécu bien des expériences avant son arrivée en 2016. Le jeune Gabriel a d’abord- été orienté en CAP Mécanique, qu’il a vite abandonné pour un CAP de fromager à Longechaux où il a passé trois belles années avec Philippe Julliard. « Les Julliard, une famille formidable, vraiment super avec leur apprenti », se souvient Gabriel qui a travaillé avec
Jean et Jeanine Julliard à Bolandoz, juste après son brevet de technicien à l’ENIL de La Roche-sur-Foron (Haute-Savoie).
En 1995, direction la Savoie, pour une première expérience « très enrichissante » de maître-fromager à la fruitière Ayn-Dullin. En 2000, retour au bercail car le natif de Pierrefontaine-les-Varans est amoureux : Patricia, sa future femme et collaboratrice, est entrée dans sa vie. Il trouve alors une place de second à Bouclans, avant de devenir fromager à Fallerans de 2002 à 2007. Après des passages chez Badoz et chez l’Ermitage à Vercel, « Gaby » débarque à Charmauvillers en même temps que son désormais fidèle second, Florian Ratte. Avec sa « super équipe », le jovial fromager assure fabriquer un Comté « pour qu’il plaise au plus grand nombre … Même si on fabrique aussi le fromage qu’on aime!»

Faune & flore locales

L’hélicette du thym / Candidula unifasciata

L’hélicette du thym fréquente pour l’essentiel les prairies sèches et pâturages ouverts avec des roches calcaires affleurantes bien exposées. Encore bien présente en Franche-Comté, il n’en est pas de même chez nos voisins suisses où elle est en net recul du fait de la disparition progressive de ses micro-habitats. Le maintien de pratiques pastorales permet de conserver l’hétérogénéité et la richesse de ces milieux maigres.

L’orchis mâle / Orchis mascula

Cette orchidée précoce fleurit dès le mois d’avril dans les pelouses pâturées et les lisières forestières. Réputée comme plante aphrodisiaque, elle est affublée de nombreux noms rappelant cette croyance : satyrion mâle, couillon-de-chien … Les fleurs sont pourpres, tachetées de ponctuations sombres. Le labelle (gros pétale dirigé vers le sol) se termine en éperon dressé derrière la fleur.

Des fromages intenses et constants, une valeur sûre

Les Comté de Charmauvillers, dégustés après 12 mois d’affinage, sont intenses en goût et constants dans leur palette aromatique. Décrits principalement avec des arômes grillé-fruité-animal, ils ont du caractère ! Celui-ci est mis en valeur par une harmonisation entre les saveurs salée, acide et sucrée. Les odeurs libérées par la pâte sont engageantes et portées par les notes brioché / œuf / beurre, fruité et macération de caillette. Les amateurs d’arômes diversifiés en bouche profiteront d’une palette aromatique qui s’élargit avec des notes d’oignon grillé, de miel, de noix, de bouillon de légumes et de champignons des bois séchés. Le lactique peut même sembler en retrait, malgré les notes de beurre fondu ou de sérum acidifié. La texture est peu résistante, onctueuse ; elle est aussi fine et soluble. La stabilité de sa note de typicité des arômes, attribuée par le Jury Terroir au fil des dégustations, érige ce Comté au rang de « valeur sûre ».

Palette aromatique des Comté de la fruitière fabriqués entre 2019 et 2021, affinés par la maison Arnaud

La situation géographique spécifique de cette fruitière (alt. 500 à 1 000 m) et l’implication de ses membres contribuent à constituer un terroir exceptionnel. Hubert Favrot (qui profite d’une retraite bien méritée) a été de longues années le maître fromager. Ses fromages avaient une grande typicité avec des arômes orientés sur des notes « animales et cuir », très appréciés de nos clients. Gaby et son équipe ont su maintenir un haut niveau de qualité, en apportant leur propre typicité, avec une palette aromatique qualifiée de très « élégante ». Quoi de mieux pour illustrer cette belle collaboration que de fêter nos trente ans en 2023 ! »

Bertrand Henriot, Fromageries Arnaud
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