Il n’était qu’un tout jeune enfant lorsqu’il a découvert le geste fromager. Depuis, Delphin n’a plus jamais voulu quitter les cuves, où s’opère la magie de la transformation.
Sous l’oeil attendri des voisines, un petit garçon joue au ramasseur de lait sur son tracteur à pédales, dans une cour à Lemuy. Il a 4 ou 5 ans peut-être. Quinze ans plus tard, Delphin Gouget a les jambes bien trop longues pour monter sur son engin plastique, mais l’idée est restée : il est devenu fromager. Chaque jour, il transforme le lait en Comté à la fruitière de Villers-sous-Chalamont, où il terminait, en juillet, son brevet professionnel sous la tutelle de son maître d’apprentissage, Lionel Aymonier. A l’heure où vous lirez ces lignes, il sera déjà en poste à la fromagerie de Bouverans, comme second d’Anthony Perrin depuis le 1er août.
Tout cela au départ, grâce à un homme : Bernard Fournier, ancien fromager d’Arc-sous-Montenot, dont Delphin a croisé la route tout minot. « J’emmenais parfois Delphin chez mes clients quand il était petit, explique Philippe, son papa, qui dirige une entreprise de construction bois dans le Jura. C’est comme ça qu’il a connu Bernard et Gisèle Fournier : j’ai construit leur maison et lors de nos rendez-vous, Delphin s’est montré très intéressé par les gestes fromagers de ce monsieur, qui lui a proposé de venir quand il voulait à la fromagerie d’Arc-sous-Montenot. Il y est allé aussi souvent que possible, enfourchant le vélo à la moindre occasion ! »
L’humain au centre de la fabrication
Se crée ainsi une relation particulière avec le couple, Bernard étant touché par la si grande curiosité de ce petit, et Gisèle l’emmenant régulièrement dans sa tournée de ramassage. Avec Radio Nostalgie à plein tube ! En reste quelques séquelles… Le chanteur préféré de Delphin n’est ni Stromaé ni Booba, mais Renaud ! Plus sérieusement, ce qui subsiste avant tout de cet héritage et de l’éducation qu’il a reçue, c’est son envie de rester maître de sa fabrication, sans se faire doubler par les écrans et l’automatisme actuel…
Sorti du travail, Delphin aime aller au bal et courir : il a récemment participé avec quelques amis à la Montée du Poupet. 18 km, près de 900 m de dénivelé positif, des passages de côte à 14 % et un bel exploit avec un temps d’ 1h44, soit 10,2 km/h de moyenne. « Courir, pourquoi faire ? », plaisante Lionel Aymonier, qui voit son jeune apprenti partir à regret. Pour garder l’oeil sur son cap, sans doute. « J’ai le sentiment qu’il a déjà un chemin professionnel tout tracé dans sa tête, assure son père. Je suis très fier de lui et de ses frères. »