Gestion des eaux de rivière

Le Suran a retrouvé une partie de ses méandres initiaux sur 1,5 km à Val Suran. Les berges seront replantées cet hiver. Photo SR3A
Le Suran a retrouvé une partie de ses méandres initiaux sur 1,5 km à Val Suran. Les berges seront replantées cet hiver. Photo SR3A

Reméandrement du Suran : les agriculteurs partenaires

Cinq producteurs de lait de la Petite Montagne ont donné leur accord pour des travaux sur leurs parcelles, afin de redonner au Suran son tracé initial et ainsi favoriser le maintien de la vie aquatique dans cette rivière.

Jean-Jacques Ioni, producteur de lait à Val Suran, se souvient des premières réunions avec le Syndicat de la Rivière d’Ain Aval et de ses Affluents (SR3A) dès 2019. Cet Epage (Établissement Public d’Aménagement et de Gestion de l’Eau) souhaitait mener un projet de restauration écologique d’une partie du Suran, cours d’eau long de 73 kilomètres prenant sa source à Loisia dans le Jura et se jetant dans la rivière Ain à Varambon (dans le département de l’Ain). Six ans après, le projet est devenu réalité avec une réhabilitation portant sur un tronçon d’1,5 km entre le moulin de Guynand et le pont de la Rivière à Val Suran. Le Suran zigzague désormais au cœur des prairies. Et rien n’aurait pu se faire sans les agriculteurs, qui ont accepté des concessions sur leurs parcelles, au profit de ce projet environnemental.
« Préserver le gagne-pain des agriculteurs »
Cyril Fréquelin, responsable opérationnel de la gestion des milieux aquatiques au SR3A, explique ce projet d’ampleur, financé à 70 % par l’Agence de l’Eau et à 10 % par le fonds Feder : « Depuis les années 60, la portion concernée avait perdu 28 % de son linéaire initial après les rectifications du remembrement. Le lit naturel du Suran avait été profondément modifié, entrainant un appauvrissement écologique et un dysfonctionnement hydromorphologique. Les objectifs étaient donc de rétablir un tracé plus sinueux, relever le niveau de l’eau avec des apports sédimentaires et des aménagements, favoriser la rétention des petites crues, améliorer les habitats pour la biodiversité et limiter l’impact sur les zones agricoles. » Cette dernière donnée était cruciale. En effet, passer d’un tracé rectiligne à des courbes modifie les surfaces d’herbe (pâture et foin) et complique le travail des exploitants. « Notre postulat était de préserver le gagne-pain des agriculteurs et de créer des aménagements qui compensent la perte de praticité. C’est pourquoi nous avons travaillé en étroite relation avec l’Urfac et les filières fromagères du massif jurassien pour que les droits à produire de chaque agriculteur au regard du cahier des charges et la quantité de fourrage ne soient pas affectés. » La surface agricole des cinq fermes concernées a baissé de 84 ares en tout, compensée par des aménagements améliorant l’accessibilité des parcelles (lire ci-après). Il fallait aussi que les producteurs puissent laisser leurs parcelles libres le temps des travaux, moyennant des indemnisations.
Un agronome et beaucoup de co-construction
Habitué aux chantiers d’envergure, le SR3A avait cependant peu coutume que ses travaux suscitent autant d’enjeux agricoles, avec de « vraies » surfaces fourragères régulièrement exploitées et proches des fermes. « Nous avons donc fait appel à un cabinet de concertation qui a dépêché un ingénieur agronome pour discuter avec chaque agriculteur. On ne voulait rien imposer et agir en co-construction. Cette dynamique a bien fonctionné », raconte Cyril Fréquelin. Le déboisement a eu lieu la première semaine de mars et le gros des travaux en juillet-août. Les parcelles impactées ont été ressemées et le seront de nouveau si besoin avant la saison de pâturage. Le SR3A a pris en charge clôtures et abreuvoirs durables avec descente stabilisée pour éviter le piétinement des vaches dans la rivière.
Une passerelle pour les vaches
En novembre, une passerelle a été installée dans un pré du Gaec Ioni pour faciliter le passage du troupeau sur le Suran, en compensation de la perte de 70 ares. Jean-Jacques Ioni, qui a donné du temps à ce projet, est plutôt positif, même s’il reconnait « attendre les premières crues pour voir comment se comporte la rivière et si elle n’inonde pas plus qu’habituellement ». Pour le reste, il s’avoue bluffé par « ce sacré gros chantier » qu’il a eu de l’intérêt à suivre. L’agriculteur estime que le financement de ce projet global (637 000 €) par des aides de l’État et de l’Europe est une chance, dont le territoire se devait de profiter. « Ces travaux ont aussi permis de supprimer les trous d’eau créés dans les années 60, lorsque les espaces laissés par le tracé de la rivière n’avaient pas été totalement comblés. Cela faisait des flaques d’eau stagnante au milieu du pré, néfastes d’un point de vue sanitaire. Quand les berges seront replantées cet hiver, ce sera plus joli que l’ancien Suran où tout le bois mort tombait dedans. » Pour Cyril Fréquelin, ce chantier constitue « une vitrine de la concertation entre spécialistes de l’eau, de l’environnement et du monde agricole. Si celui-ci fonctionne, d’autres pourraient suivre sur le reste du Suran».

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