Le paysage nous en dit long…Pleure (juillet 2017)

(Photo © CIGC/Petit)
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Lecture de paysage : Pleure, des pratiques peu intensives entre Bresse et Jura

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Par Pascal Bérion
Maître de conférences en Aménagement de l’espace et urbanisme
Université de Franche-Comté / Laboratoire ThéMA UMR CNRS 6049

Pleure est une petite fruitière à Comté du département du Jura qui rassemble sept exploitations agricoles implantées dans la commune éponyme et les villages voisins des Deux-Fays, de Chêne-Bernard, Chapelle-Voland et Biefmorin. Son terroir, correspond à l’entité paysagère dite de la Bresse des étangs. Il est délimité par les rivières Orain et Brenne qui s’écoulent vers l’ouest et prennent leur source au pied du puissant escarpement dit du vignoble du Jura près de Poligny. Il se termine à l’ouest par sa rencontre avec la plaine alluviale du Doubs, spécialisée dans la culture de céréales.
Cette fromagerie s’inscrit sur un relief de plaine, avec des altitudes entre 200 et 220 mètres. Son sous-sol est essentiellement composé par des sables et des cailloutis charriés à l’ère tertiaire par le puissant fleuve Aar-Doubs qui se jetait dans le fossé bressan (son delta, remblayé par des cailloux et des galets correspond à l’actuelle forêt de Chaux). Il est surmonté d’une couche de plusieurs mètres d’argiles qui confère aux sols une forte imperméabilité et une fréquente saturation en eau. Les forêts constituent le mode principal d’occupation du sol et forment de véritables écrans végétaux qui limitent la portée des vues et donnent une impression de confinement. Les dépressions ont autrefois été aménagées de digues pour entraver les cours d’eau et former des étangs de faible profondeur dédiés à la pisciculture. Quant aux espaces à vocation agricole, ils forment des clairières ceinturées par la forêt et les étangs. La médiocre qualité des sols a longtemps favorisé la présence des herbages au détriment des cultures. Cependant, l’assèchement d’étangs au XIXème siècle, puis divers travaux de drainage des années 1960 à 1980 ont permis un certain développement des cultures qui n’ont pourtant jamais supplanté les prairies.

Des polyculteurs éleveurs

Les producteurs de la fruitière de Pleure sont des polyculteurs éleveurs qui s’appuient sur un système herbager, avec des prairies particulièrement sensibles à la sécheresse, complété par des cultures de céréales. Le terroir de Pleure fait office d’aire de transition entre la Bresse et le Jura. Ici, les maisons sont principalement des fermes dites « bloc à trois travées » (logis, grange et étable) qui empruntent à l’architecture bressane des éléments de style comme le coyau. L’habitat se disperse peu en hameaux mais tend à s’étirer le long des axes de communication. Les haies sont absentes. La consultation de photographies aériennes des années 1950 montre que ce fi nage a toujours été un openfield, autrefois composé de très petites parcelles, aujourd’hui remembrées et rassemblées dans des ilots de plusieurs hectares.
La singularité du terroir de Pleure réside dans sa belle capacité d’adaptation aux contraintes agronomiques et socio-économiques. Jadis, certaines terres lourdes et humides ont été utilisées comme étangs ; plus récemment, l’amélioration du foncier agricole avec les remembrements et le drainage ont permis de consolider les assolements et les exploitations.

Ces dernières ont su garder des pratiques peu intensives pour valoriser un milieu difficile. Il est vrai que réussir des foins de qualité dans ces zones basses, où la pousse de l’herbe est précoce, demande une grande habileté car généralement, en mai, les fenêtres météorologiques propices à la fenaison sont aussi brèves que rares… Le printemps 2017 fera sans doute office d’exception qui confirme la règle.

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