LES 50 ANS DE L’AOC COMTÉ EN 2008 :#UNE GRANDE COULÉE D’ÉMOTIONS…

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Les 50 bougies de l’AOC Comté ont été soufflées à Champagnole le 17 juillet. L’intervention de Claude Vermot-Desroches, président du CIGC, est à marquer d’une meule blanche…

Le 17 juillet à Champagnole, sur le parvis de l’Oppidum, la petite histoire du cinquantième anniversaire de l’AOC Comté retiendra que les trois premiers à se présenter avec leur bidon de lait à verser dans la cuve auront été François Viennet de l’Abergement-les-Thésy et Jérémy Lagarde de Tourmont, dans le Jura, et Isabelle Massonnet de Brenod dans l’Ain. Pendant plus de deux heures, des dizaines de représentants des fromageries se sont succédé pour vider quelques litres de lait, apportant ainsi un peu de leur histoire à ces 50 ans. Pendant que Lionel Guérin et Fabienne Martin prenaient en main la fabrication du fromage du cinquantenaire, il était temps pour les centaines de participants de prendre place dans la salle de l’Oppidum.

Le président du CIGC y prononça alors un discours à la hauteur de l’événement. « Nous croyons, déclarait Claude Vermot-Desroches, qu’en ces temps difficiles, il est bon de s’appuyer sur la solidarité qui jusqu’à présent nous a réussi. Solidarité d’abord entre nous, producteurs, fromagers et affineurs, qui, aujourd’hui, célébrons nos valeurs communes en rappelant leur pertinence et leur modernité. Solidarité ensuite en manifestant une immense reconnaissance vis-à-vis des générations précédentes qui se sont battues pour obtenir l’AOC et jeter les bases d’une politique dynamique dont les effets alimentent les succès d’aujourd’hui. »
Rappelant l’état d’une société qui vénère d’abord la réussite à court terme et individuelle, Claude Vermot-Desroches rappelait combien « les responsables de l’interprofession croient qu’au sein de notre filière, et grâce à ce qu’elle est, il est possible de concilier la réussite personnelle et la réussite collective. Par essence le Comté est un facteur d’aménagement du territoire, du paysage, de préservation de la biodiversité, et, c’est aussi, et avant tout, un produit qui a fait vivre de nombreuses générations, et nous sommes déterminés à ce qu’il en soit encore ainsi pendant longtemps (…) Contrairement à un monument prestigieux telle la Saline d’Arc-et-Senans, qui une fois construite a une pérennité largement acquise, le monument patrimonial qu’est le Comté est à reconstruire et réinventer chaque année. »

Le président du CIGC n’a pas éludé les problèmes conjoncturels, notamment l’évolution du poids des charges et la « fulgurante » augmentation des prix du lait dit standard. « Alors, soulignait-il, un sentiment de doute s’installe parmi nous. J’invite tout le monde à l’analyse dans le temps et non la réaction sur une actualité qui peut être éphémère. Vous n’ignorez pas que la suppression des quotas, la libéralisation de l’économie, l’interdiction de la maîtrise de l’offre n’ont qu’un seul objectif : faire baisser les prix. J’espère, concluait Claude Vermot-Desroches, et je n’en doute pas, que nous saurons, et nos enfants après nous, gérer ensemble la deuxième moitié du centenaire de l’AOC Comté, prenant appui sur nos racines et nos valeurs de solidarité, et avec la même efficacité. » Très ému tout au long de ce discours, Claude Vermot-Desroches était alors longuement ovationné. Les tables rondes se sont ensuite succédé avant d’assister au symbolique tirage à la toile du fromage et de partager un repas. Le fromage du cinquantième anniversaire poursuit désormais sa vie dans les caves de la coopérative du Mont-Rivel à Vannoz.

Un grand merci au Crédit Mutuel Centre Est Europe, partenaire de la Grande Coulée.

Hommages

L’obtention de l’AOC, c’est d’abord l’histoire des hommes qui l’ont voulue. Claude Vermot-Desroches, dans son discours a rendu hommage aux pionniers, aux précurseurs. Il a cité :
– M. Favin directeur de l’ENIL de Poligny.
– M. Debar, agriculteur à Saint-Didier, dans le Jura.
– M. Burlet, directeur du Syndicat de défense du gruyère de Comté.
– M. Roussillon, président de la FDCL du Jura.
– M. Richard président de la FDSEA du Jura.
– M. Boilley, président de la chambre d’agriculture du Jura, qui devait devenir le premier président du CIGC.
– M. Lombard, président du syndicat des affineurs.
– M. Gentier, récemment décédé, et qui était à l’époque vice-président de la FDCL et qui succéda à M. Boilley.

Cette liste des fondateurs se complète « avec les présidents du CIGC et leurs équipes qui ont prolongé l’effort, avec Pierre Vallet puis Yves Goguely. Á tous nous devons une grande reconnaissance. » Ce n’était pas qu’une simple énumération. Elle était aussi, selon l’actuel président du CIGC « l’occasion de faire ressentir le caractère totalement collectif de la démarche. Déjà il y a 50 ans, ces hommes incarnaient des intérêts divergents, et l’époque n’était pas moins qu’aujourd’hui l’occasion d’affrontements, mais déjà le patrimoine collectif régional qu’était le Comté et le sentiment d’appartenance qu’il provoquait transcendaient les logiques syndicales (…). Aujourd’hui et cinq décennies plus tard, le front de lutte a changé de nature, mais la nécessité de la lutte demeure. »

Tables rondes

Les thèmes des tables rondes organisées pendant la Grande Coulée restent symboliques des préoccupations du Comté.  » Les défis de l’export « ,  » Le Comté face aux attentes sociétales d’aujourd’hui « ,  » Les atouts gastronomiques et touristiques du Comté  » : autant de thèmes qui montrent combien une AOC ne peut se développer, et se défendre, sans en appeler à toutes les compétences – du producteur au fromager et à l’affineur en passant par les élus, les restaurateurs, les crémiers, les scientifiques, les universitaires ou encore les publicitaires.

Ils y étaient, ils ont dit !

> Enorme –  » Je suis né en 1958 et j’ai été bercé par le Comté. Je suis fier d’avoir accompagné cette histoire durant toute ma vie. J’ai vu toutes les évolutions, comme la mise en place du ramassage, le système de refroidissement, le soutirage ou encore le travail en cave. C’est énorme. Avec l’évolution de la durée de vie, pourquoi ne pas penser revoir tout ça dans 50 ans ! « 
Patrick Sancey-Richard (fromagerie du Mont d’Or à Métabief, dans le Doubs).

> Signe –  » Cinq des six sociétaires sont installés au village et il y a une envie, une volonté de continuer. Ce sont des coopérateurs. Il y a quelque temps deux jeunes venus de Savoie se sont installés et deux fermes qui étaient à vendre ont trouvé preneurs. Avec mon mari, nous sommes à Dron depuis 20 ans et j’aime être là. Nous avons ressuscité un fromage, le Clon, cela fait parler de nous. On voit bien à la boutique que nous faisons un produit que les gens aiment. En mai, nous avons vendu plus de 900 kg de Comté, pour un village de 180 habitants. Autant dire que la clientèle vient de l’extérieur. C’est un signe. « 
Bernadette Perrigot (fromagère à la fruitière de Drom, six sociétaires).

> Philosophie –  » On a la volonté de maintenir la fruitière. Honnêtement c’est contraignant, mais on a la chance de s’appuyer sur l’AOC. On n’a pas la philosophie pour faire pisser du lait. Notre boutique marche, nous avons organisé une journée  » Bienvenue à la fruitière  » qui a bien fonctionné et la fabrication à l’ancienne y a été très appréciée. Les consommateurs qui reconnaissent la valeur de notre produit. « 
Dominique Dufour et Thierry Berraud (fruitière de Simandre dans l’Ain, 10 sociétaires).

> Visite –  » La fruitière de Longchaumois a repris son indépendance voici deux ans et ça valait le coup. Il faut montrer les choses, faire de la publicité, organiser des visites et ça amène du monde. On sait le faire et on aime ça. « 
Claude Lambert (fromager à la fruitière de Longchaumois dans le Jura, sept sociétaires).

> Elargissement –  » Cette Coulée est une très bonne idée. L’avenir du Comté passe par l’export. Il faut aussi aller vers des produits de type plats cuisinés. L’élargissement de la gamme d’utilisation pour le Comté est un enjeu. « 
Emmanuel Pierrot (responsable des relations avec les producteurs à la Fromagerie Badoz à Pontarlier dans le Doubs, 75 producteurs).

> Complémentaire –  » 50 ans ! C’est une bonne nouvelle. On mesure aujourd’hui l’impact économique de tout ce qui a été fait depuis 50 ans. L’appellation apporte de la richesse à la région. Nous le voyons aussi avec la vente en boutique, si les clients étaient moins nombreux, il faudrait s’inquiéter, mais ce n’est pas le cas. Nous fabriquons aussi deux autres appellations – le Morbier et le Bleu du Haut-Jura. Ce ne sont pas des appellations concurrentes mais complémentaires. « 
Jean-Marc Lançon (SCAF du Haut-Jura aux Moussières dans le Jura, 20 sociétaires).

> Progression –  » Cet anniversaire c’est une espérance pour l’avenir. L’important est de maintenir les exploitations et il faut se préparer à la fin des quotas. L’AOC va encore avoir un grand rôle à jouer. Au pays, les gens sont soucieux de leur coop, on le voit bien depuis que nous avons complètement refait la boutique, il y a 18 mois, qui apporte un plus à la vie dans le village. La progression des ventes est constante. « 
Philippe et Maryse Ligier (fruitière de Bonnétage dans le Doubs, 11 sociétaires).

> Etat d’esprit –  » La Coulée est une bonne initiative. Etre dans la filière c’est être impliqué, c’est suivre son produit. Il y a l’esprit coopératif qu’on ne retrouve pas ailleurs. Mais c’est un état d’esprit difficile à maintenir ou à promouvoir. Les organismes de formation devraient s’en soucier. « .
Isabelle Massonnet (fruitière de Brénod, 16 producteurs).

> Liens –  » 50 ans, il fallait le fêter. Au pays, la fruitière renforce les liens. Les magasins donnent une image forte, c’est un plus, les habitants voient bien que tout est fait au pays. Cela dit, les normes et les contraintes sont de plus en plus lourdes. Surtout pour les nouveaux. J’espère qu’ils prendront conscience de l’importance de tout ce qui a été mis en place « .
Dominique Grillet (fruitière de Largillay dans le Jura, 15 sociétaires).

> Sécurité –  » Dans le secteur d’Arc-et-Senans, on s’est bagarré pour rester dans la zone de production du Comté, alors que nous sommes dans un secteur très concurrencé. Jean-Pierre Jouffroy a aussi su nous motiver. Je pense que ceux qui sont restés resteront. Compte tenu des événements sur les prix du lait standard, il faut voir plus loin et le Comté, avec son AOC, c’est une sécurité. « 
Jean-Claude Rolet (président du comité de producteur de la fromagerie de Lavernay – ex Jouffroy –, groupe Ermitage ; 50 producteurs).

> Génération –  » Il faut rester comme on est, garder les fruitières. Mais c’est difficile de garder l’esprit coop et de gérer les générations, l’esprit évolue. Mais il faut garder notre personnalité « .
Jean-Charles Guinchard, René Jeune, (fruitière des Verrières-de-Joux dans le Doubs. 7 sociétaires).

> Dépositaires –  » La fruitière de Déservillers tient une place un peu historique et nous en sommes un peu dépositaire. Nous avons traversé une période difficile en perdant la moitié de nos sociétaires, mais nous voulions maintenir l’outil de production. On a réussi à le faire avec Claude Philippe. Le Comté est un produit fabuleux, et il ne faut pas céder aux modes et faire les girouettes. On est à fond derrière le CIGC pour ce qui concerne le maintien du patrimoine technique. « 
Pascal Comte et Emmanuel Coeurdevay (fruitière de Déservillers dans le Doubs, neuf sociétaires).

> Repères –  » Dans une période qui manque de repères, c’est bien qu’une AOC manifeste son existence. 50 ans c’est aussi la preuve que les bases étaient solides et cela symbolise l’esprit collectif qui nous anime, sans cela on n’est rien. « 
Alain Mathieu (Coopérative du Mont-Rivel à Vannoz dans le Jura, président de la FDCL du Jura).

> Optimiste –  » 50 ans : il fallait profiter de ce moment, notamment au niveau médiatique. L’esprit coop se maintiendra. Sur ma coopérative, on réfléchit depuis deux ans sur notre avenir et ce sont les jeunes qui ont maintenant pris les choses en main. Personne ne parle de jeter l’éponge. C’est plutôt positif et je reste optimiste. « 
Maurice Etiévant (fruitière d’Arbois dans le Jura, 13 sociétaires).

> Impliqué –  » Il est important de rappeler que nous sommes d’abord des producteurs de fromages. Sans le Comté et l’AOC, où en serait l’agriculture dans le pays ? Certes maintenir nos ateliers c’est difficile, et il y a le champs des sirènes ! On investit, on s’implique. On essaie de développer les contacts avec la population et les clients en organisant les visites, en développant la vente. Il faut communiquer plus. « 
Bernard Mivelle (fruitière de Froidefontaine-Essavilly dans le Jura, 15 sociétaires).

> Anticiper –  » 50 ans, ça se fête et ça permet de se rappeler d’où on vient et de regarder devant. Il faut rendre hommage à ceux qui ont tout commencé à mettre en place il y a 50 ans. Aujourd’hui, il faut anticiper, progresser, avoir une ouverture d’esprit en gardant l’AOC. Il faut se préparer à la fin des quotas laitiers et nous y réfléchissons beaucoup. Il faut garder tout ce qui permet de maintenir la vie dans notre territoire. « 
Marcel Marguet (SCAF du Fort-Belin à Clucy dans le Jura, 19 sociétaires).

> Présence –  » La Coulée c’est une bonne initiative pour faire parler de nous. 50 ans, c’est du solide. C’est aussi beaucoup de travail, d’investissements, et, pour les présidents des coop, une gestion quotidienne qui n’est pas toujours facile. Il faut savoir ménager la chèvre et le chou, d’autant que l’aspect administratif prend de plus en plus de temps. Mais, si on est présent sur le terrain, les résultats viennent. « 
Joseph Masson, Xavier Moreillon (fruitière de Boujailles dans le Doubs, 16 sociétaires).

> Différents –  » 50 ans, ça fait de belles noces d’or. La coulée, c’est une journée qui est bien dans le ton de la filière qui rassemble tout le monde, des gens différents mais qui sont complémentaires et travaillent ensemble.  » Olivier Humbert (responsable du service collecte chez Lactalis à Vercel, 125 producteurs).

> Symbole –  » Le bidon de lait, c’est un joli symbole. On le mettra en évidence dans le magasin. Ce genre de moment est rare et le symbole bien choisi, d’autant qu’à Frasne, nous sommes toujours en coulée. Aujourd’hui, nous sommes dans une époque charnière, il faut s’ouvrir, animer le pays, comme nous le faisons avec d’autres coop avec la Randonnée des fruitières. Il faut aussi remarquer que les magasins prennent une importance de plus en plus grande. Pas seulement par son aspect économique mais aussi parce que, grâce à la diversité des produits qui sont en vente, nous pouvons encore plus fidéliser les clients. Cela est particulièrement vrai dans des villages où le magasin de la fromagerie reste le seul commerce. « 
Jean-Louis Barthod, Laurent Marmier, Albert Troutet (fruitière de Frasne dans le Doubs, neuf sociétaires).

> Communication –  » 50 ans, ce n’est pas rien et c’est un bon moyen de communication. C’est une bonne initiative et il faut la saluer. Il faut rester dans la tradition et suivre l’évolution de la société où le consommateurs recherche le meilleur rapport qualité/prix. « 
Michel Beuque, Philippe Louvrier, Julien Boudon (coopératives des Monts-de-Joux, 250 producteurs).

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