Les économies d’eau dans la filière Comté partie 1/2

P9 - Val-d'Usiers_Gilles Racle - Loris Faé

Les besoins en eau de la filière Comté se réfléchissent à l’échelle des fermes, des fromageries, des maisons d’affinage et des sites de préemballage.

Si les affineurs et les sites de préemballage sont peu gourmands en eau, les fermes et les fromageries ont des besoins plus élevés. L’abreuvement des vaches représente environ 80 % de la consommation, le reste étant consacré au lavage des installations (salle de traite, étable) et du matériel. « Pour 53 vaches laitières, les besoins en eau pour l’abreuvement et le nettoyage atteignent 7 m³ par jour », estime Isabelle Forgue, conseillère Énergie à la Chambre d’agriculture du Doubs-Territoire de Belfort. Les fromageries, elles, utilisent de l’eau pour la fabrication des fromages, le nettoyage de l’atelier et du matériel. Face à ces besoins importants – garants de la qualité sanitaire des fromages – la filière s’organise pour économiser cette ressource. Première solution : les récupérateurs d’eau de pluie, obligatoirement couplés à une filtration et un traitement efficaces pour assurer la sécurité sanitaire. Depuis 2020, 384 demandes de subventions pour ces équipements ont été enregistrées dans le Doubs, soit 15 % des fermes de l’AOP Comté. D’autres producteurs ont effectué ces installations sans solliciter d’aides. Certaines exploitations deviennent même totalement autonomes en eau.
Dans les fromageries
La plupart des fromageries possèdent un système de nettoyage en place incluant un recyclage de la dernière eau de lavage pour le premier rinçage suivant. Des sous-compteurs permettent de détecter les fuites et les tuyaux sont équipés de réducteurs de pression. Certains ateliers ont déjà installé un système d’osmose inverse pour extraire l’eau du lactosérum, réutilisée ensuite pour la fabrication et le lavage (lire article ci-dessous). « La loi nous y autorise seulement depuis l’automne 2024 », précise Bertrand Henriot chez Juraflore. La consommation d’eau varie selon les fabrications, l’âge des bâtiments et le matériel utilisé. « Une fromagerie ne produisant que du Comté consomme en moyenne 1 litre d’eau pour 1 litre de lait. Avec du Comté et du Morbier, on passe à 1,4 l ; avec du Comté et du Bleu de Gex ou du Mont d’Or, c’est plutôt 1,7 l. Les fabrications de beurre et crème impactent aussi la consommation », détaille Carla Beauvais, chargée Environnement à l’Urfac, s’appuyant sur les chiffres de la FRCL (Fédération Régionale des Coopératives Laitières).
Une chose est sûre, la dynamique est lancée : les filières fromagères souhaitent être actrices de la gestion locale de l’eau. La filière Mont d’Or, par exemple, a participé au programme ADAoPT porté par l’Idele et le CNAOL pour aider les filières AOP à s’adapter au changement climatique. Des pistes concrètes sont apparues, comme la proposition d’un éleveur de mettre l’eau de sa citerne à disposition de la commune en cas de besoin. Cette dynamique récente est bien réelle. « Les filières franc-comtoises ont conscience de la nécessité d’actions collectives et concertées à l’échelle du territoire pour éviter d’avoir à choisir entre alimenter la population en eau ou abreuver les animaux », conclut Carla Beauvais.

Deux fromageries transforment le petit-lait en eau !

La fromagerie des Longevilles-Mont-d’Or est dotée d’un système d’osmose inverse
Elles l’utilisent après traitement dans la fabrication des fromages et pour le lavage du matériel de fromagerie. Ainsi, elles économisent l’eau du réseau.

Les fromageries Juraflore de la Haute-Combe (à Septfontaines) et des Longevilles-Mont-d’Or ont concrétisé une idée futée pour économiser l’eau : elles récupèrent celle contenue naturellement dans le petit-lait (ou lactosérum). Ce liquide, composé à 94 % d’eau, est traité grâce à un système d’osmose inverse, un procédé qui sépare mécaniquement les éléments du lactosérum. D’un côté : les protéines, matières grasses et minéraux (6 %), de l’autre : de l’eau, appelée « perméat ». Après filtration, cette eau est aussi propre que celle du robinet et peut être utilisée pour laver le matériel et fabriquer de nouveaux fromages.Le reste, riche en nutriments, est vendu à une entreprise qui le transforme en poudre pour l’industrie agroalimentaire. Concrètement, sur 4 litres de petit-lait, on récupère 3 litres d’eau et 1 litre de concentré.
Économie d’eau et de transport
« C’est le même principe que celui utilisé pour dessaler l’eau de mer », explique Bertrand Henriot, directeur technique chez Juraflore. Ce système offre deux gros avantages : il permet de consommer beaucoup moins d’eau du réseau et réduit les transports de petit-lait (et donc les émissions de CO₂). « À la Haute-Combe, on a divisé par quatre le nombre de camions. Et aux Longevilles-Mont-d’Or, par deux », précise-t-il.Côté consommation d’eau, c’est aussi une belle réussite : « Grâce à cette récupération, il ne nous faut plus que 90 cl d’eau du réseau pour transformer 1 litre de lait », ajoute-t-il. Et même mieux : la fromagerie de la Haute Combe est désormais totalement autonome en eau, car elle traite aussi du petit-lait provenant de fruitières voisines.
L’installation, mise en service il y a un an, a coûté 3 millions d’euros. « Pour nous, c’est un bon moyen de limiter notre impact sur l’environnement et de faire face à la raréfaction de l’eau », conclut M. Henriot. Des dispositifs similaires sont en cours d’installation dans d’autres fromageries de l’AOP Comté.

Les cochons y trouvent aussi leur compte
Les éleveurs de porcs du massif, à qui certaines fromageries livrent du petit-lait, sont aussi gagnants. Moins de volume à refroidir (donc moins d’énergie dépensée par les fromageries), plus de protéines pour nourrir les animaux, et moins de lisier à gérer, car le sérum est plus concentré.

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