Lomont-sur-Crête, un territoire valorisé par les pratiques douces d’une AOP

p11 - Paysage Lomont-sur-Cre╠éte 1 ÔÇó Thierry Petit

> Par Pascal Bérion
Maître de conférences en Aménagement de l’espace et urbanisme • Université de Bourgogne-Franche-Comté / Laboratoire ThéMA UMR CNRS 6049

Le terroir de la fruitière de Lomont-sur-Crête se localise dans le département du Doubs, à l’extrémité nord de l’aire géographique de l’appellation Comté, entre Baume-les-Dames et Clerval. Il s’étend sur la bordure occidentale du massif du Jura (dite Jura externe) et le premier plateau.

Les exploitations fournissant du lait à la fruitière valorisent un peu plus de 1 900 ha de surfaces agricoles. Le bassin de collecte est centré sur le finage de Lomont-sur-Crête, siège de la moitié des producteurs et s’étend sur les localités voisines d’Anteuil, Crozet-le-Petit, Cusance, Glainans, Tournedoz et Valonne. Ces villages participent d’un même ensemble organisé autour de la montagne du Lomont. Ils sont forts semblables par leur taille (moins de 200 habitants en général) et leur forme groupée (autour d’un point d’accès à l’eau avec des maisons disposées de part et d’autre de la rue principale). Quelques fermes et hameaux sont situés dans des écarts à l’exemple des fermes du Surfer et du Mont Millot. L’habitat rural traditionnel se compose de fermes blocs dites « pastorales en gouttereau » avec des toits en « demi-croupe ». La volumétrie des fermes était de taille moyenne avec une écurie, une grange (souvent accessible avec une levée ou un pont de grange permettant d’arriver avec les chariots sur le plancher de stockage) et le logis de la famille (en pignon).

La spécialisation dans l’élevage laitier et la production de fromages est assez récente, fait courant dans la partie septentrionale de la zone AOP Comté. Les documents d’archives mentionnent qu’une fruitière existait avant 1800 à Tournedoz au lieu-dit Bermont. La fruitière de Lomont-sur-Crête est fondée le 29 avril 1849. En 1851, elle a produit 4 800 kg de fromages (façon gruyère) vendus à 80 cts/kg avec 60 vaches laitières. L’atelier de Tournedoz a élaboré 2000 kg de fromages vendus à 75 cts/kg avec 35 vaches. A cette époque, les animaux produisaient peu. Les touraches et fémelines fournissaient à peine 1 000 litres par lactation. Il apparait ici que la production des vaches était bien inférieure à celle établie en montagne et dans l’arrondissement de Pontarlier. La production fromagère semble s’être arrêtée aux environs de la crise économique des années 1860 liée à la fin des droits de douanes limitant l’importation des fromages suisses en France. La dépréciation des prix fut sévère et beaucoup de petites fruitières durent temporairement cesser toute activité. En 1929, la spécialisation fromagère se confirme puisque quatre fruitières sont présentes. Celle d’Anteuil (584 000 litres) valorise le lait en emmental, les trois autres font du gruyère : Crozet-le-Petit (527 607 litres), Cusance (435 804 litres) et Lomont-sur-Crête (237 158 litres).

Le terroir de Lomont-sur-Crête s’organise au pied du Lomont et se compose de quatre unités agro-paysagères :

  • Le pli du Lomont du col de Ferrière à la reculée du Cusancin : il s’agit d’un faisceau portant un plissement anticlinal étroit culminant à 630 mètres d’altitude. Sa ligne de crête s’abaisse progressivement vers l’ouest et se situe à 560 mètres à Lomont-sur-Crête. Le versant nord est intégralement boisé et domine la dépression de Villers-Saint-Martin et la vallée du Doubs. Le versant sud, bien exposé et donnant à regarder de magnifiques panoramas sur les plateaux du Doubs se partage entre prés et bois et a subi un sérieux développement de la forêt au cours des 50 dernières années ;
  • Le premier plateau : il concerne les finages des villages de Lomont-sur-Crête, Crozet-le-Petit et Valonne et son altitude est légèrement supérieure à 500 mètres. Reposant sur une épaisse dalle de calcaires du Bajocien et du Batonien, les sols sont d’une part superficiels et sensibles à la sécheresse et d’autre part soumis à une très intense érosion karstique. Un très dense réseau de haies équipe le parcellaire agricole. Leur densité s’est quelque peu réduite au cours du dernier demi-siècle, mais leur présence reste remarquable. Elles offrent un abri au dessèchement produit par la bise et s’établissent sur les dépôts et murgers d’épierrement. Ces parcelles sont dédiées aux pâtures et prés de fauche. Quelques cultures de céréales sont pratiquées ;
  • La reculée du Cusansin et de son affluent l’Alloz : le plateau est entaillé par la reculée du Cusancin et de ses affluents. Cet ensemble auquel appartient le village de Glainans s’étire d’est en ouest. Les versants pentus sont occupés par la forêt et l’agriculture subsiste sur les rebords du plateau et l’étroit fond de vallée ;
  • La dépression synclinale d’Anteuil : elle forme une sorte d’alcôve dominée au nord par le pli de l’anticlinal de Clerval et au sud par celui du Lomont. Elle comprend la commune d’Anteuil et ses villages associés de Glainans et Tournedoz. L’altitude moyenne se situe autour de 450 mètres. Glainans et Anteuil offrent un finage assez ouvert et se prêtent un peu plus aux cultures qu’ailleurs ; Tournedoz est établi dans une étroite dépression dégagée des plis du Lomont.

Photographies aériennes de Lomont-sur-Crête entre la fin des années 1950 (gauche) et 2020 (droite)

Source : IGN/Remonter le temps
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