Cahier des Charges

p7 - Carole Ly - Marion Fregeac (INAO)

« En Comté, nous sommes dans le raffinement de l’appellation »

Entretien avec Carole Ly, directrice de l’INAO, Institut National de l’Origine et de la Qualité.

L’ INAO est chargé d’étudier les évolutions des cahiers des charges des appellations françaises pour assurer une cohérence d’ensemble, avant leur homologation officielle par l’État. Le 21 novembre 2024, vous avez approuvé, pour mise en procédure nationale d’opposition, la nouvelle version du cahier des charges du Comté, au terme de quatre ans d’instruction. Comment s’est passé ce travail ?

Le dossier du Comté a suscité un débat passionnant qui a mobilisé énormément de ressources. L’instruction du nouveau cahier des charges a été gérée par notre délégation territoriale Centre Est et le pôle agroalimentaire AOP-IGP-STG en lien avec le service juridique et le service Contrôles. Soit plus de cinq personnes, dont trois quasiment en continu depuis dé- but 2022. Cela témoigne de l’importance et de la technicité des modifications proposées. Il faut bien sûr ajouter le temps important passé par la commission d’enquête, nommée par le Comité national des appellations d’origine laitières, agroalimentaires et forestières, composé de professionnels d’autres appellations, qui a effectué plusieurs visites sur le territoire de l’AOP, à la rencontre de l’organisme de défense et de gestion du Comté.

Votre collectif se met un cadre très contraignant, qui crée de la valeur

Pourquoi l’instruction a-t-elle nécessité quatre ans de travail ?

Ce dossier a été plus complexe que les autres. D’une part car les producteurs de Comté font aussi parfois du Morbier, du Mont d’Or ou du Bleu de Gex Haut-Jura. Les organismes de défense et de gestion de ces différents fromages francs-comtois ont rouvert leurs cahiers des charges avec des points communs, mais aussi des différences. Les commissions d’enquêtes ont dû travailler ensemble pour garder une cohérence et présenter les dossiers du Comté, du Morbier et du Mont d’Or aux instances nationales en même temps. D’autre part, il y avait dans ce cahier des charges un grand nombre de modifications, dont certaines particulièrement innovantes. Notamment celles concernant le maintien du modèle familial franc-comtois avec la volonté de garder des exploitations à taille humaine et des chefs d’exploitation impliqués dans leurs fermes. Mais aussi celles sur l’obligation d’implication des membres de la filière dans l’organisme de gestion ou encore sur le pâturage autour de la ferme. Le Comté avait beaucoup travaillé en amont pour définir ces règles, mais il a fallu plusieurs séances au Comité national des AOP pour en saisir tous les détails. Ensuite, nous devions mettre tout cela en conformité avec la réglementation, ce qui a pris du temps pour adapter les propositions.

Il semble que le « dossier Comté » soit un ovni dans le milieu des appellations d’origine françaises ?

Le cahier des charges du Comté est plus épais que n’importe quel autre. Le Comté a voulu définir une vision globale, au-delà même du produit, portant sur un modèle durable avec ses trois piliers, économique, environnemental et social. Tout le monde adhérait à ces ambitions mais la question portait sur le « comment » au regard de la réglementation existante, qui est en partie récente. Le Comté a été le premier à vouloir l’appliquer ainsi et cela a pris du temps pour identifier ce qui était ou non possible. Chez vous, on est dans une appellation raffinée. Volontairement, le collectif se met un cadre très contraignant et ce cadre crée de la valeur. C’est beau je trouve. C’est un collectif particulier et une culture qu’on ne retrouve nulle part ailleurs.

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