Située dans l’Ain, tout près du Grand Colombier, la Fruitière du Valromey est la dernière née de l’AOP Comté. Elle a lancé la fabrication de son premier Comté le 19 avril 2021.
Leur enthousiasme fait plaisir à voir, sans toutefois occulter les efforts consentis par les exploitants de quatorze fermes (dont quatre en bio), qui se sont unis il y a trois ans pour créer la plus récente fruitière de l’AOP Comté. Ces hommes et femmes livraient jusqu’alors leur lait à des industriels et se sont échappés de ce système, au moment où leur nouvel acheteur leur annonçait une baisse du prix de leur lait, déjà faible. Entrer dans l’appellation Comté signifiait pour eux reprendre la main sur leur métier de paysan, avoir davantage d’autonomie décisionnelle et s’intégrer dans un projet commun. Qu’on ne se méprenne pas, l’affaire ne fut pas simple … A l’apprentissage de la coopération et l’organisation commune, s’est ajoutée l’obligation d’opérer dans chaque ferme de lourds changements pour se conformer au cahier des charges du Comté. Aujourd’hui, on les croirait coopérateurs depuis toujours ! Il suffit de les voir échanger des avis parfois contraires, s’écouter, gérer la vie d’un conseil d’administration pour sentir leur totale adéquation avec le projet.
Comté … et raclette
Depuis la création de la coop’ en 2021, deux fermes ont été cédées, l’une à Kévin, jeune agriculteur venu de Savoie et l’autre à Laurent, la quarantaine, et à son fils Tanguy. A la fabrication aussi, des petits nouveaux ont fait leur arrivée : Dorian Calvo, jusqu’alors second, est passé fromager et Tanguy Rochet a été embauché comme second. Alexis, un ancien du bâtiment, s’engage à corps perdu dans son nouveau métier de caviste avec son collègue Cyril. En effet, la fruitière fabrique du Comté, mais aussi de la raclette (trois sortes) affinée sur place, avant d’être confiée à la maison d’affinage Seignemartin toute proche et partenaire déterminant du projet. Sacré défi de s’engager dans deux productions, dont l’une aussi sensible que la raclette au lait cru … Au magasin, les quatre vendeuses accueillent le chaland, mais fabriquent aussi le beurre et le fromage blanc en faisselle. Cette jolie boutique de fromages et produits régionaux a, contre toute attente, un succès fou et atteint le million d’euros de chiffre d’affaires. « Les gens viennent ici spécialement, pour acheter leur fromage. Je ne pensais pas que nous aurions un tel succès », se réjouit Jérémie Bolon, le vice-président. La fruitière est lancée sur de bons rails, dans une convivialité qui fait chaud au cœur. Son président, Jérôme Berthier, ne manque jamais l’occasion de réunir les coopérateurs autour d’une bonne raclette ou d’un barbecue lorsque le printemps s’en mêle.
Dorian Calvo, fromager perfectionniste et bon vivant
Dorian Calvo est maitre-fromager depuis janvier dans la toute récente fruitière du Valromey. Cet ingénieur agronome venu des Pyrénées audoises a passé une année chez Ermitage où il a appris le ressenti et la rigueur nécessaire au métier, avant de rejoindre Valromey en tant que second de Christophe Boisson, qui lui a transmis l’amour de l’appellation Comté. Aujourd’hui, le jeune homme dirige une équipe de trois personnes et fait à son tour vibrer sa passion pour le métier. « Il est amoureux de ses fromages, ce qui implique une certaine exigence », dit de lui son second, Tanguy Rochet. Dorian, affable bon vivant, mais aussi perfectionniste et pointilleux, a toujours été fasciné par les changements d’état de la matière. « Le fromager doit être en avance sur la nature, tout en sachant évoluer avec elle », estime-t-il. Entouré d’Alexis Benoit et Cyril Prost, les aides-fromagers, il salue « cette bonne équipe où chacun essaie toujours de faire mieux ». Être fromager, c’est aussi « faire en sorte que tout le monde parvienne à fabriquer un bon fromage et rester à l’écoute pour s’enrichir mutuellement ».
Faune & flore locales
Le sisyphe / Sisyphus schaefferi (Linnaeus, 1758)
Ce rare scarabée doit son nom au mythe de Sisyphe car il roule une boule d’excréments frais d’herbivores dont il se nourrira ou qu’il offrira à sa progéniture. Il participe donc activement au recyclage des bouses !
La porcelle à feuilles tachetées / Hypochaeris maculata
Son nom vient du grec « petit porc », peut-être parce que les feuilles présentent des poils en forme de soies, comme la peau de l’animal. Cette porcelle, espèce des sols acides, colonise les landes et les pelouses d’altitude. Elle est adaptée au piétinement, grâce à sa rosette de feuilles souvent maculée de rougeâtre. Ses tiges nues sont surmontées d’un à trois capitules jaune citron, semblables à ceux des pissenlits, en plus denses et volumineux.
Des arômes variés pour une jeune fromagerie !
Les Comté de Valromey présentent un goût souvent intense, bien soutenu par les saveurs et les arômes en particulier lorsqu’ils atteignent 12 mois d’affinage ou davantage. Dès le début de la dégustation, la pâte libère au nez des nuances qui varient selon la durée d’affinage de peau de lait, beurre fondu, brioche, miel ou bouillon de viande. En bouche, le caractère fruité et torréfié ressort dans une palette aromatique riche en nuances. Si le fruité s’exprimera souvent au travers du miel toutes fleurs à miel de châtaignier ou noisettes, le torréfié pourra être doux évoquant la brioche, le caramel au lait ou plus corsé avec de l’oignon grillé ou du chocolat noir. D’autres nuances peuvent compléter cette palette, comme du végétal ou de l’animal avec parfois des notes d’endive cuite, champignon ou jaune d’œuf. La pâte souple, onctueuse, grasse et fine révèle bien l’expression diversifiée des arômes.
La création de la fruitière du Valromey est un superbe projet que nous avons été très heureux de suivre dès le départ ! Sa localisation dans l’Ain, sa proximité avec nos caves, et surtout, les liens que nous avons tissés avec les producteurs, qui dépassent largement les relations commerciales, en font une coopérative dont nous sommes très proches.
Le mot de l’affineur : Corentine et Gaël Lancien, Seignemartin